Lancée en 2016, l’opération d’assainissement de l’internet chinois par les autorités prend un nouvel essor. Sous le commandement de l’Administration du Cyberespace chinois [国家网信办], les self-médias [自媒体] sont désormais une cible prioritaire.
Qui s’intéresse à la Chine sait que l’information qualitative s’est longtemps trouvée sur WeChat, via les médias personnels [self-medias], ces pages où chacun peut écrire et publier ses articles, disponibles dans le monde entier.
Ce 28 mars, c’est Niu Yibing [牛一兵], le numéro 2 du Bureau du Cyberespace chinois, qui sonne l’hallali contre les self-médias. Pluriels et extrêmement populaires, ils forment une manière de s’informer qui emporte tout les suffrages au sein des couches les plus éduquées de la population chinoise.
« Notre priorité absolue, c’est la rectification du chaos des self-medias« , claironne-t-il devant un parterre de journalistes de l’officialité. Assez curieusement, la « protection des intérêts légitimes des entreprises » est un argument mis en avant pour justifier cette campagne de censure (disons le mot). Les self-médias mettent la censure en difficulté, elle dont le rôle peut également être de protéger les entreprises essentielles, ou les SOE, dont les mauvaises pratiques ou l’endettement suscitent critiques et dénonciations.
Le 13 mars de cette année, un texte de loi officiel de lutte contre le « Chaos des self-médias » [自媒体乱想] est promulgué. But: combattre la diffusion de rumeurs, d’informations préjudiciables, et la recherche du sensationnalisme. La traduction complète est fournie par le précieux « China Law Translate » pour les plus curieux.

Vérifier et combattre les contenus qui irriguent Douyin, ou Kuaishou que les chinois peuvent regarder entre deux métros revient à remplir le tonneau des Danaïdes. Les cibles de la campagnes, les premiers à en souffrir, seront les Self-medias de qualité qui ont ouvert une fenêtre lucide sur la Chine pendant des années, aussi bien aux citoyens de l’intérieur qu’aux observateurs extérieurs.
Car ne l’oublions pas. La Chine est un pays-Monde. Il est très difficile pour les chinois d’être bien informés d’un pays aussi vaste, aux populations aussi diverses, d’autant plus quand les informations sont sous le contrôle d’un état dictatorial. C’est pourquoi ce sont souvent les faits spectaculaires, viraux, qui suscitent soudain un élan fédérateur entre toutes ces populations, comme l’incendie de Wulumuqi ou l’accident du bus de Guizhou.
L’Etat chinois, échaudé par ces dernières expériences, réagit. Et comme souvent sous Xi Jinping, la réaction prend la forme d’un recul des libertés.
Noé Hirsch
