Noé Hirsch
De 2013 à 2022, la police a traité plus d’un million d’affaires liées à la drogue. On estime qu’un Chinois sur 100 se drogue.
21 juin 2023, le ministère de la Sécurité publique publie un « Rapport sur la situation des drogues en Chine 2022 [1]« . Les chiffres donnés par Wei Xiaojun [魏晓军], directeur exécutif adjoint du Bureau national de contrôle des stupéfiants [国家禁毒办常务] et directeur du Bureau de contrôle des stupéfiants [公安部禁毒局] du ministère de la Sécurité publique, sont édifiants. De 2013 à 2022, un total de 1,07 million de délits liés à la drogue ont été traitées à travers le pays, 1,28 million de narcotraficants ont été arrêtés et 651,9 tonnes de drogue ont été saisies.
Depuis l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir, la lutte contre la toxicomanie en Chine s’est intensifié, avec un pic en 2015 [150 000 délits liés à la drogue traités], pour tomber à 35 000 en 2022. Et cette répression se joue à tous les niveaux. Sur ces 10 ans, 6.8 millions de toxicomanes ont été arrêtés à travers le pays, dont 1/3 condamné à l’isolement et au sevrage sous surveillance. 60% d’entre eux ont entre 18 et 35 ans. La répression chinoise de la drogue a donné quelques cas de condamnations spectaculaires, notamment celles d’étrangers, à l’image de Robert Lloyd Schellenberg, 10ème étranger exécuté en Chine pour trafic de drogue depuis 2009.
[vc_empty_space height= »16px »][thb_title style= »style6″ title= »De nouvelles drogues entrent sur le marché »][vc_column_text animation= »animation top-to-bottom »]A proportion à peu près égales, les drogues saisies sur les 10 ans couvertes par le rapport sont l’héroïne et les méthamphétamines. Une petite minorité des toxicomanes consomment de la kétamine. Ces usages sont largement jugulées par la répression policière, mais de nouveaux entrants viennent redistribuer les cartes de la drogue en Chine: tramadol, icloazépam, fluoroquinone et des cannabinoïdes synthétiques. Ces drogues sont souvent proposées à la vente affublés d’appellations mignonnes et lénifiantes, comme « chocolat empoisonné » [毒巧克力], les « bonbons empoisonnés » [毒糖果] ou « thé au lait empoisonné » [毒奶茶].
Début 2023, le ministère de la Sécurité publique a lancé une campagne nationale anti-drogue intitulée « nettoyer la source et stopper le flux[2]« . Zhao Zhongchen [赵仲忱], directeur adjoint du Bureau national de contrôle des stupéfiant, la décrit ainsi pour le média Jiemian (界面): « il s’agit de couper les approvisionnements de l’étranger, le trafic interrégional, réprimer la vente dans le pays, accompagner les toxicomanes en rémission« . L’accompagnement dans des centres de sevrage gouvernementaux a notamment été dénoncé par Human Rights Watch (2010) pour exposer ses détenus sont exposés à des risque de violences physiques et aux travaux forcés non rémunérés.

Un témoignage dans le rapport est édifiant: « Je suis un ancien toxicomane. J’ai commencé à prendre de la drogue en 1990. J’ai essayé de décrocher et j’ai été dans des camps de travail obligatoire plus de huit fois. Je ne peux tout simplement plus retourner dans un camp de travail forcé – [c’est] un monde terrifiant où l’obscurité n’a pas de limite. »
Les drogues présentes en Chine proviennent principalement de l’étranger, notamment du « Triangle d’Or » (Thaïlande, Myanmar et Laos). Elles sont notamment convoyées au sein du pays par les triades basées à Hong Kong.
Selon « l’Observateur de Shanghai », la consommation ou la vente de drogues se produit principalement dans des lieux de divertissement, tels que KTV et des bars. En outre, les maisons de location, les voitures privées et les clubs privés servent également de points de consommation de drogue. Avec le développement d’Internet ces dernières années, les transactions sur la consommation de drogue via les groupes WeChat et les logiciels sociaux deviennent de plus en plus importantes.
[vc_empty_space height= »16px »][thb_title style= »style6″ title= »Artistes et cadres du Parti sont consommateurs »][vc_column_text animation= »animation top-to-bottom »]La consommation de drogue touche tous les segments de la société, en particulier dans le sud de la Chine, où la drogue est traditionnellement convoyée. Dès avril 2015, Gong Weiguo, adjoint au maire de la ville de Linxiang, province du Hunan, est condamné pour consommation de drogue. Selon les statistiques, rien qu’en 2016, la province du Hunan a dénoncé près de 100 membres et cadres du parti impliqués dans la consommation de la drogue. Le 2 mai 2020, le comté de Qidong, province du Hunan, une réunion de cadres du Parti visant à consommer de la drogue a été exposée.
Dans le milieu artistique, les drogues circulent aussi, peut-être plus qu’ailleurs. Zhang Yimou, fameux réalisateur chinois, l’annonce sans ambages à Xinhua [interview 2015]. Sur les tournages, les psychotropes sont monnaies commune. Cette année-là, Jaycee Chan, Ke Zhendong, et et le chanteur continental Yin Xiangjie ont été arrêtés pour usage de drogue.
Signe des temps, la culture chinoise s’empare de ce nouveau fait de société. On trouve notamment des films à grand public chinois qui dénoncent ce phénomène, à l’image du film « Protégé » [门徒], où le personnage joué par Zhang Jingchu [张静初] s’injecte une dose dans la carotide et en meurt.
Noé Hirsch
[1] 2022年中国毒情形势报告
[2] 清源断流