254 000 en 2020, 314 000 en 2021, 365 000 en 2022. Voilà le nombre d’orphelins « de facto » en Chine [事实孤儿], selon les données officielles du ministère des Affaires civiles. Une évolution inquiétante qui témoigne des difficultés économiques que connaissent un nombre grandissant de provinces dans le pays.
L’Etat poussé à réagir.
Le titre d’orphelin « de facto », propre à la société chinoise, définit un enfant dont les deux parents sont : invalides, décédés, disparus, emprisonnés, ou victime d’une maladie grave et incapacitante (définition officielle contenue dans l’avis de 2019 : 关于进一步加强事实无人抚养儿童保障工作的意见). La révocation de la tutelle parentale et l’expulsion hors du pays viennent s’ajouter à cette définition en 2020 (Avis 关于进一步做好事实无人抚养儿童保障有关工作的通知).
La question des orphelins de facto ne fait son apparition qu’en 2013 dans les sources officielles. La China National Knowledge Infrastructure publie alors une enquête menée dans la préfecture de Liangshan, dans le Sichuan. A l’époque, les autorités estiment que 25 000 enfants sont plongés dans une situation d’abandon, du fait de l’épidémie de VIH qui frappe alors la région. Ils sont abandonnés, et vu comme des pestiférés qu’on éloigne des autres enfants. On parle alors « d’enfants à charge » [失依儿童]. Depuis, le problème s’est amplifié, si bien que les autorités centrales commencent à réagir.
Ce n’est que le 1er janvier 2020 que la Chine introduit pour la première fois de facto les enfants sans assistance dans le champ de protection et prévoit des allocations mensuelles de subsistance de base. Ces dernières, faibles, font totalement abstraction de la dimension psychologique du problèmes de ces victimes.
Selon Hu Fangfang [胡芳芳], directeur adjoint du Centre de services de travail social de Chongqing, les orphelins de facto sont le plus souvent pris en charge, bon an mal an, par des proches du voisinage, ou des membres éloignés de la famille. Ces derniers, le plus souvent, sont à la retraite ou incapables de travailler, et dépourvus de revenus stable. Pour Hu, l’assistance publique, concentrée sur le facteur économique, ignore jusqu’à présent la dimension psychologique de ces enfants dont les comportements sociaux sont nécessairement impactés. Faible estime de soit, rébellion, autisme social… Par ailleurs, la législation vis à vis de cette catégorie est chaotique, et change de région en région. Le phénomène d’abandon des enfants est encore largement négligé par les autorités.
Car si les autorités échouent à prendre ces enfants en charge, les organisations mafieuses chinoises endémiques comblent le vide. Comme le dénonce un procureur cité par Guancha, « les orphelins de fait et les orphelins sont des cibles faciles pour les criminels« . En réponse, les initiatives individuelles se multiplient, à l’image de ce procureur de la ville de Yinchuan, le magistrat Jinfeng, fondateur d’un refuge pour orphelins de facto cette année.
