PARPCC #19 – Est-ce que les Fonds d’Investissements Guidés sont efficaces pour financer la recherche en Chine ? 19 avril 2024 Dans le contexte actuel de compétition scientifique et technologique sino-américain, le financement de la recherche est un sujet de premier plan – surtout celui de la recherche « risquée ». Les entreprises dites de la « tech » nécessitent souvent des financements importants pour se lancer. Ceux-ci sont peu susceptibles d’amener des retours sur investissement à court terme – ce qui fait fuir les investissements privés. Afin de limiter la tentation des financements étrangers ou de départ à l’étranger de talents ou d’idées chinoises, la Chine utilise les Fonds d’Investissement Guidés pour faciliter le financement mixte public-privé des entreprises technologiques. Les résultats de ces fonds sont très inégaux sur le territoire et restent peu attractifs pour les investisseurs privés. Les Fonds d’Investissements Guidés (FIG pour les intimes) sont des fonds servant des objectifs de politiques publiques d’Etat dans lesquels les autorités locales ou nationales investissent un capital de démarrage que doivent abonder les investisseurs privés. D’après Wei, Ang et Jia, le plus souvent, les objectifs des FIG sont liés à ceux du plan quinquennal en cours ou bien du plan décennal « Made in China 2025 ». Ces fonds ont été créée pour stimuler l’investissement privé national (seul les entreprises chinoises enregistrée en Chine continentale peuvent investir) et ainsi décupler le capital disponible pour la recherche scientifique. Dans les faits, ils servent surtout à financer le développement scientifique chinois dans les secteurs clés des télécoms, du digital et des produits pharmaceutiques et médicaux. Les FIG existent depuis 2005 mais ont connu leur apogée dix ans plus tard. Avec le temps, les fonds d’investissement guidés ont permis de financer le développement d’entreprise de cybersécurité comme le champion domestique Qian (奇安) et pendant le COVID, ils ont largement contribué au développement du vaccin Sinovac. En 2021, on dénombrait 1849 FIG en Chine pour un montant ciblé supérieur au total de l’investissement public chinois dans la science et la technologie – soit un montant colossal. Toutefois, les chiffres montrent que seulement 26% des FIG atteignent leurs objectifs de financements. De plus, sur les montants levés, seuls 15% proviennent en réalité du secteur privé. Dans les faits, ces fonds ont un certain nombre d’inconvénients qui repoussent les investisseurs privés : ils sont guidés par l’Etat, les investissements initiaux sont relativement faibles par rapport aux possibilités de financement sur le marché, et les lieux d’investissements ne sont parfois pas propices à la réussite des entreprises ciblées par les investissements. Ainsi, la plupart des FIG qui lèvent des fonds et qui les investissent dans la R&D sont initiés par les régions côtières chinoises où se trouvent tout à la fois les investisseurs privés, les entreprises prometteuses et l’environnement « business » capable de faire réussir ces dernières. La grande majorité des FIG initiées dans les régions plus pauvres de Chine n’ont soit pas réussi à lever de fond, soit n’ont jamais investi ces fonds dans des entreprises. Dans la plupart des régions reculées, une FIG est créé par un politicien local souhaitant montrer sa bonne volonté vis-à-vis de priorités pékinoises, puis est laissée à l’abandon quand le politicien est muté sur un autre poste. See Also PARPCC #18 – La Chine parvient-elle à faire accepter ses façons de faire au Sud ? Enfin, les auteurs soulignent que ces fonds ont tendance à faire avancer le secteur public au dépend des acteurs privés dans les domaines visés par les FIG. Ainsi, certaines entreprises publiques remplacent les entreprises privées de certains secteurs comme Sino Pharm et Sinovac Biotech dans le secteur pharmaceutique ou Shenzhen Longsys Electronics dans les semiconducteurs. Ils ont donc un impact structurel sur les domaines d’activité visés. Globalement, la manne financière que constitue les FIG est loin d’être négligeable. Toutefois, les fonds restent encore peu attractifs pour les investisseurs privés sauf dans les régions côtières déjà très bien dotées. Référence: Wei, Yifan ; Ang, Yuen Yuen; Jian Nan (2023), “The Promises and Pitfalls of Government Guidance Funds”, The China Quarterly, Vol. 256, pp. 939-959.