PARPCC#16 – 90% de soutien au PCC en Chine – vraiment ?

L’un des éléments surprenants quand on regarde les enquêtes d’opinion sur la Chine, et surtout celles réalisées par des centres de recherche étrangers comme le Ash Center de Harvard, c’est à quel point le Parti Communiste est soutenu par la population : les taux de soutien dépassent souvent les 90%. Les chercheurs expliquaient jusqu’ici ce phénomène par la sortie rapide du pays de l’extrême pauvreté, des politiques économiques soutenues par la population, etc. Une nouvelle recherche balaye d’un revers de main ces explications et souligne un biais méthodologique dans les enquêtes précédentes qui activerait chez les répondants la peur de représailles potentielles.

Plus de 90% d’opinions favorables, c’est à faire pâlir d’envie toutes les têtes de gouvernement des régimes démocratiques. Dans nos contrées, de tels pourcentages chez des régimes autoritaires engendrent méfiance et défiance dans les médias et l’opinion publique (« c’est normal, ils ne répondent pas ce qu’ils veulent »). Pourtant, cette spécificité chinoise était jusqu’ici acceptée par de nombreux membres de la communautés scientifique – le Ash Center de Harvard le constatait aussi dans ses enquêtes – et s’expliquait pour les experts par le soutien aux politiques d’ouverture menées des années 1980 aux années 2010 par la Chine communiste.

Un article publié en janvier 2024 remet ce relatif consensus en cause. Carter, Carter et Schick expliquent que la méthodologie d’enquête d’opinion employée – le questionnement direct aux répondants : « soutenez-vous le Parti Communiste Chinois ? » ; « Seriez-vous prêt à participer à une manifestation contre le gouvernement ? », favorisait les réponses apportant un soutien au régime. Motivé non pas par un réel soutien, mais plutôt la peur des représailles.

En effet, dans un Etat où tout est contrôlé, il est difficile pour des répondants de penser que l’anonymisation des réponses, même administrées en ligne, puisse échapper au regard du Parti. Les chercheurs ont fait deux études à quelques mois d’intervalle en posant les questions directement aux répondants d’abord, puis en utilisant une autre méthode d’approche plus indirecte et assurant l’anonymat de façon plus robuste.

Malgré des questions similaires, les chiffres ne trompent pas : l’étude utilisant le questionnement direct surestime le soutien au régime de 28.5 points de pourcentage par rapport à l’étude utilisant une approche indirecte et anonyme. Cet écart très important confirme une faiblesse méthodologique déjà constatée dans une étude similaire effectuée en Russie (14 points de pourcentage d’écart).

Pour les auteurs, le soutien affiché de 90% aux élites chinoises relève donc davantage d’un biais méthodologique que d’un soutien réel. Ils estiment que le taux de soutien réel au régime se situe plutôt entre 50 et 70% (ce qui reste élevé si l’on compare avec les taux observés dans de nombreuses démocraties).

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L’étude montre également que 3 caractéristiques sont positivement corrélées avec un soutien plus fort que la moyenne au Parti : l’appartenance ethnique non-Han, le fait d’être membre du PCC et le niveau d’éducation. Pour l’appartenance ethnique, les auteurs expliquent que les ethnies non-Han ayant plus d’expérience directe de répression, elles ont plus tendance à adopter un discours leur permettant d’échapper à cette répression que les personnes d’ethnie Han. Les membres du PCC, eux, sont favorisés par le régime, et le soutiennent donc plus que d’autres groupes. Enfin, le niveau d’éducation serait, en Chine, corrélé avec un plus fort degré de soutien au régime car plus une personne est éduquée, plus elle a été soumise longtemps à la propagande du Parti.

Référence : Carter, E.B. ; Carter, B.L. ; Schick, S. (2024), « Do Chinese Citizens Conceal Opposition to the CCP in Surveys?” Evidence From two Experiments?”, The China Quarterly, pp.1-10.