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Pourquoi l’administration locale déçoit constamment le pouvoir central chinois

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Pourquoi l’administration locale déçoit constamment le pouvoir central chinois

La gouvernance sociale de base, confite dans le XXème siècle, incapable de se réformer, est sous le feu des critiques de Xi Jinping et de nombreux pontes du monde académique.

Le gouvernement s’alarme du prix et de l’inefficacité de la gouvernance locale. La verticalité du pouvoir tend à s’éroder à mesure qu’on descend les échelons, et l’adhésion populaire à l’égard du système en pâti. Pourquoi la machine à appliquer la décision est-elle grippée? Est-il possible de la réformer?


Gouvernance sociale de base: c’est quoi ?

Ce quoi parle-ton, précisement?

La gouvernance sociale de base [基层社会治理] désigne l’administration à l’échelon local.

Selon Qstheory[1], le site de référence pour décrypter les termes intelligibles du jargon du PCC à l’aide d’un galimatias de définitions encore plus abscon, la « gouvernance sociale de base » désigne la « gouvernance communautaire urbaine et rurale » [基层社会治理是城乡社区治理的简称]. Ce qui ne nous avance pas beaucoup plus.

Mais nous connaissons les institutions qui constituent ce réseau de gouvernance sociale de base. Il s’agit des : « organisations du Parti à la base, des organisations du gouvernement à la base, ainsi que des organisations gouvernementales de base, économiques, autonomes, de masse, et des organisations sociales et de citoyens individuels »[2].

Si nous prenons le temps de décrypter un peu ce charabia, nous arrivons aux définitions suivantes :

·         Organisation du Parti à la base [基层党组织]. Plutôt évident. L’émanation du PCC dans le village ou le district de la ville. Cela peut se rapporter au comité du Parti présent dans une simple rue d’une ville[3].

·         Organisations gouvernementales à la base [基层政权组织] : c’est le pouvoir politique officiel au niveau administratif le plus bas. Dans les villes, il s’agit du niveau de « district urbain » (市辖区) et dans les campagnes, du village (乡) ou du bourg (镇).

Note : dans les villages, ces organisations mettent souvent en place des « comités populaires de médiation », supposer rendre des arbitrages en cas de litiges, et présenter au public les nouvelles lois du PCC [人民调解委员会], ce qui reflète l’autonomie relative et traditionnelle accordée aux petites communautés paysannes.

·         Les organisations économiques [经济组织] : peut aussi bien faire référence aux petites banques locales, qu’aux chambres de commerces… Le terme est flou, extensible à loisir.

·         Les comités autonomes [自治组织] : ce sont les comités communautaires de résidents, associations de quartier spontanées, d’entraide, qui sont immédiatement soumis aux règlements du PCC prévus par eux, avec en premier lieu, le devoir de fidélité envers l’autorité centrale.

·         Les organisations sociales [社会组织] : sous le contrôle du ministère des Affaires civiles, supposées canaliser les interrogations sociales des citoyens. Une plateforme qui les recense vient d’être publiée.

·         Les initiatives citoyennes individuelles [公民个体].

Voilà donc le réseau supposé assurer la gouvernance à la base, dans la vie quotidienne des citoyens chinois.

Le village de Jincun, canton de Lushan, comté de Changxing, province du Zhejiang, fournit des services d’agence de paiement des taxes aux villageois – organisation économique de base [4]

Depuis plusieurs mois, des articles et des déclarations se succèdent, pour fustiger, et ce dans le mainstream gouvernemental, le mauvais fonctionnement de cette gouvernance sociale. En tête de proue, on trouve Xi Jinping en personne, qui s’est époumoné à plusieurs reprises : il faut « améliorer l’efficacité du gouvernement[5] » et « produire des effets positifs[6] ». Et pour Xi, ce n’est pas l’autorité centrale qui coince, mais bien les tâcherons locaux qui déçoivent les attentes placées sur eux à longueur d’année, partout sur le territoire.

Le premier problème souligné par Xi Jinping, c’est l’absence d’application de sanction dans le système de prise de décisions. Un responsable politique peut prévariquer sans grande crainte de payer le prix de son incurie, quitte à faire porter le chapeau à des sous-fifres, en cas de problème. « Il faut construire une communauté de gouvernance sociale dans laquelle chacun est responsable, chacun assume ses responsabilités et chacun en profite »[7], affirme ainsi le chef incontesté du PCC.

Le second problème, de taille, est un problème « de moralité »[8], selon Xi Jinping. Il faut associer les administrés à la machine décisionnaire, d’une manière ou d’une autre. Cela ne signifie pas démocratiser la machine, mais plutôt créer le sentiment d’être concerné par les actions des organisations du PCC à la base. La probité, pour XI Jinping, est la meilleure voie pour atteindre cette cohésion nationale. « Il faut coupler l’Etat de droit, et l’Etat de vertu »[9], dit-il encore, peu ou prou.


Pourquoi la gouvernance sociale en Chine continue de poser problème ?

En réalité, le problème dépasse les questions d’éthiques.

« L’apparence de la gouvernance locale est puissante. Mais le fond est faible ».

Voilà ce que déclare Wang Haixia, professeur émérite en Chine[10]pour le quotidien Economic Herald [经济导刊]. Selon lui, les organisations gouvernementales de base « confondent le travail de construction du Parti, et celui de gestion des affaires du Parti ». En d’autres termes, il y a un hiatus. On demande aux organisations un travail d’administration efficace, et elles continuent à fournir un travail de « formation idéologique, soirées à thèmes, réunions et leçons, traque de la corruption… ». Ce qui est très utile, s’empresse-t-il de préciser. Mais peu conforme aux attentes placées en elles au 21ème siècle.

En fait, ces organisations restent confites dans un rôle dépassé pré-1990, alors que la machine gouvernementale chinoise a besoin d’administrateurs efficaces, qui comprennent les incentives du gouvernement central et les appliquent, plutôt que de les expliquer laborieusement à des citoyens et des membres du PCC très tièdement intéressés.

Un comité de médiation d’une commune paysanne. Beaucoup de drapeaux, pas d’ordinateur.

Ensuite, selon Wang Haixia, la tendance à la concentration du pouvoir qui s’observe partout en Chine, encourage la formation de chefs tout-puissants qui ne rendent plus de comptes à personne et violent les lois en vigueur.

Ce problème particulier a d’ailleurs été décrit par la Commission de surveillance de la discipline ainsi : « 决策“一言堂”、用人“一句话”、花钱“一支笔”、项目“一手抓”、出事“一锅端 », en déplorant ce phénomène.

Enfin, un problème qui chapeaute les deux premiers : le formalisme. On en a déjà parlé à plusieurs reprises sur notre site Eastisred, et à raison. « Mettre en œuvre des documents par des documents et mettre en œuvre des réunions par des réunions (…) C’est ainsi que procèdent encore de nombreuses unités dirigeantes dans le pays », regrette le professeur. Car cet obsessions de la forme cache souvent des chefs velléitaires qui brillent par leur inaction. « Un petit nombre de cadres sont devenus, activement ou passivement, des oisifs au niveau local », précise clairement Wang Haixia.


Déficit de talents

« La pénurie de talents dans le pouvoir politique local est flagrante », constate Wang sans ambages.

Les cadres professionnels au niveau local sont confrontés à un grave vieillissement, et les jeunes sont difficiles à recruter, plus difficile encore à retenir. La carrière dans le PCC ne fait plus autant rêver qu’autrefois.

Mais même pour les enfants du pays, désireux d’aider à leur petit niveau, et malgré cette conjoncture favorable, le « guanxi » et la tyrannie de la relation personnelle [Wang parle de népotisme] dissuade nombre de jeunes candidats, malgré leur bonne volonté.


Pour le gouvernement, tout cela pose problème. Et d’abord un problème purement pécunier.

“Nous sommes tombés dans le piège de la gouvernance qui consiste à « dépenser de l’argent pour faire des choses »”[11], soupire Wang. Un petit tour sur le Web chinois va dans le sens de son constat : « Comment briser le piège de la gouvernance locale qui consiste à devoir payer pour faire bouger les choses », s’alarme même Xinhua, le quotidien le plus officiel du pays.

Pour Lv Dewen, chercheur au Centre de recherche sur la gouvernance rurale de l’Université de Wuhan en Chine[12] : « Ces dernières années, la gouvernance à la base tombe de plus en plus dans le piège de « dépenser de l’argent pour faire des choses » et les dirigeant n’arrivent pas à s’en dépêtrer. »

Ce « piège » est révélateur. Il consiste en ce que « dès que les départements supérieurs assignent une tâche, la première chose à laquelle ils pensent est de demander des fonds au département financier pour assurer l’avancement du travail lorsque la tâche est mise en œuvre par là-bas »[13].

Autrement dit, la machine est si vérolée que chaque mission confiée à un échelon inférieur doit s’accompagner d’une équipe de contrôle financée par le contribuable, pour s’assurer que les dispositions sont bien prises. Et quand bien même, les mesures peuvent être appliquées n’importe comment, voire simplement appliquées uniquement en apparence.

« Pour compenser les déperditions d’argent public, on s’attend à du bénévolat de la part des gens à l’échelon local. Il en vient peu… Surtout en ces temps difficile », regrette Lv Dewen. Il est difficile d’impliquer les citoyens chinois dans la gouvernance locale, dont le pouvoir est trop concentré.

Et voilà comment le serpent se mord la queue. La verticale du pouvoir est si grippée, que Lv rapporte cette anecdote : « Une fois, j’ai visité un village il y a de nombreuses années, et l’ancien secrétaire de branche de l’époque m’a dit que leur village avait construit une route en ciment en collectant les dons des villageois, et que tous les fonds avaient été collectés en moins d’un mois. »

Pour faire « bouger les choses », les paysans étaient contraints d’agir de manière autonome. Comme au temps des empereurs.


Si je devais conclure:


Ce n’est pas une grande surprise, mais cela vaut le coup de décortiquer un peu la machine à prendre des décisions et à les appliquer, en Chine. Hors des grandes vitrines de l’international, des smart cities, la décision exécutive s’applique au petit bonheur la chance, sur le territoire, et c’est d’autant plus observable à mesure que l’on s’enfonce dans les échelons les plus petits du territoire.

Ce système, prévu pour un temps bien différent de celui d’aujourd’hui, est à la fois cher et peu efficace. Sa béquille en temps de besoin, à savoir le patriotisme et l’auto-discipline, lui manquent. Malgré tous les efforts du PCC, il existe un gouffre entre les citoyens, même inscrits, et les convaincus authentiques [cela vaut dans la plupart des régimes, républicain inclus, ceci dit]. Dans ce temps de ralentissement économique pour la Chine, je ne serai pas surpris d’entendre bientôt parler de “réduction du mille-feuille administratif”…

Noé Hirsch


[1] qstheory.cn/qshyjx/2023-12/01/c_1130003165.htm

[2] 基层党组织、基层政权组织、经济组织、自治组织、群团组织、社会组织与公民个体所构成的集合体

[3] 街道、乡、镇党的基层委员会和村、社区党组织,领导本地区的工作和基层社会治理,支持和保证行政组织、经济组织和群众自治组织充分行使职权。12371.cn/2019/10/06/VIDE1570293728555933.shtml

[4] https://m.12371.gov.cn/content/2022-12/17/content_427457.html

[5] 提高政府效率和效能

[6] 释放积极效能

[7] “建设人人有责、人人尽责、人人享有的社会治理共同体”, discours du 6 décembre 2019

[8] (…) 德治相结合的城乡基层治理体系

[9] 推进自治、法治、德治携手并进, selon 陈成文, exégète de l’officialité communiste chinoise, pour le quotidien 光明日报

[10] Chercheur à la Fondation CITIC pour la recherche sur la réforme et le développement, professeur agrégé à l’Institut chinois de gestion sociale/École des sciences sociales, Université normale de Pékin.

[11] 花钱才能办事

[12] 武汉大学中国乡村治理研究中心研究员吕德文

[13] sohu.com/a/484013130_115372


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