A rebours des tendances économiques chinoises, Zhang Kapeng [章卡鹏] a fait fortune grâce à l’intarissable marché intérieur chinois. Il a monté consciencieusement les étapes, et en terminant avec l’immobilier à l’instar des autres grandes fortunes. Sa trajectoire illustre l’essor irrésistible des entrepreneurs les plus audacieux en Chine. Et les risques que ces trajectoires induisent.
C’est un homme plutôt chétif, et qui apparaît peu en public. Zhang Kapeng voit le jour en 1965 dans le Zhejiang, à l’aube de la Révolution Culturelle en Chine. Contrairement à ses camarades partis évangéliser la Chine, il naît au bon moment, et obtient un MBA en finance.
Début des années 1980, il rejoint une curieuse entreprise tout juste transformée en société privée par actions, qu’un entrepreneur vient de convertir à partir d’une association villageoise constituée de quelques maisons délabrées. Cet entrepreneur, c’est Ming Pibai, et l’entreprise, c’est Weixing [伟星]. Ce qu’elle fabrique: des boutons de chemise.
Zhang Kapeng se lie d’amitié avec Ming Pibai et prend des actions dans l’entreprise. Mais la Chine de l’époque est un coupe-gorge. La corruption, la mafia règnent en maître. Ming Pibai est assassiné par un gang de Shenzhen. Zhang Kapeng prendra sa succession, aux côtés de sa veuve, qu’il va progressivement écarter.
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Nous entrons dans les années 90/2000, les « années fric » en Chine, que Desmond Shum décrit bien dans son livre « Red Roulette« . Zhang Kapeng le sait. Il faut reconstruire la Chine. Il lance une filiale dans l’industrie des matériaux de construction et des conduites d’eau.
Tout est réseau ; Zhang Kapeng est membre du Parti, a de l’entregent : il obtient d’immenses chantiers publics. Il se lance dans les produits opticiens, et bénéficie de l’explosion du pouvoir d’achat chinois. Et, enfin, comme tous les entrepreneurs à succès, dans l’immobilier. Dès 1993.

Quelques chiffres: en 2021, le groupe Weixin cumule un CA de 5 milliards d’euros. Plus de la moitié proviennent du secteur immobilier. L’entreprise se fixe comme objectif de tripler ces revenus d’ici 5 ans. Des villes ont été presque entièrement acquises par l’entreprise, comme la surnommée « ville de Weixing », Wuhu [芜湖].
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Mais là où Weixing incarne le monde des affaires chinois, c’est dans les risques qui accompagnent son essor. Si les premiers temps de l’expansion de l’entreprise ont pu être lucides, et précautionneux, l’immobilier est une course à mort. Les promesses de revenu sont trop grands, et la concurrence trop féroce, pour ne pas prendre tous les risques.
Ainsi, en 2022, Weixing investit 2 milliards d’euros en acquisition de terrain, c’est-à-dire plus que son CA annuel lié à ce secteur. D’où vient l’argent ? De l’endettement auprès des banques, en l’occurrence la Banque du commerce du Zhejiang [浙商银 ], avec fonds propres en gage. Chaque année, Weixing emprunte auprès des banques pour couvrir ses immenses acquisitions de terrains. Weixing emprunte auprès de multiples bailleurs de fonds, afin de surmonter la pression financière que sa politique d’expansion féroce induit.
Par ailleurs, de manière assez classique dans le milieu immobilier, Weixing est frequemment en butte à des procès et des plaintes public pour non respect de la loi: non respect envers les consommateurs, ventes irrégulières, publicité mensongères. Ces plaintes sont notamment relayées par le Quotidien Du Peuple, ce qui indique le degré de surveillance auquel l’entreprise prête le flanc par sa politique agressive.
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Alors, en quoi Weixing et Zhang Kapeng incarnent l’entreprenariat chinois aujourd’hui?
L’immobilier est le premier moyen d’enrichissement auquel les Chinois les plus ambitieux peuvent prétendre. Quelque soit le secteur d’origine, les gens d’affaires finissent la plupart du temps par se lancer dans l’immobilier, quitte à gagner leurs autres activités pour soutenir leur expansion. Zhang Kapeng, parti de quelques maisons délabrées en fabriquant des boutons de chemises, ne fait pas exception. Même lui ne peut faire preuve de patience – une fois dans l’arène, il faut se développer à toute vapeur, ou mourir.
Mais Weixing montre bien combien la bulle immobilière touche tous les autres secteurs économiques en Chine: la dette des promoteurs est souvent gagée sur les fonds propres de groupes qui chapeautent de nombreuses entreprises engagées dans des activités totalement différentes.
Noé Hirsch