L’amitié sino-russe est au beau fixe – en apparence
Kazan (Russie) – 22 octobre. Des responsables chinois se pressent pour assister au sommet des BRICS où les attend Vladimir Poutine. Les délégations du Brésil, de l’Afrique du Sud et de l’Inde sont déjà en place. Cette année, on compte également (pour la première fois) des délégations d’Egypte et d’Iran, nouvellement intégrés aux BRICS.
Le président russe s’est publiquement félicité des relations russo-chinoises, qui ne sont rien de moins qu’un “exemple de relation internationale” pour le reste des nations, selon lui. Il a ensuite assuré que “malgré les pressions internationales”, leurs échanges commerciaux restent au beau fixe [en effet, les échanges augmentent de manière stable depuis 2017, et la Russie exporte de plus en plus sur le territoire chinois].
Rappelons que la Chine représente plus de 50% du PIB des BRICS, et la Russie moins de 10% [Banque Mondiale, 2024]. L’aspect commercial n’est sans doute pas le souci premier des éminences chinoises en visite à Kazan.
Néanmoins, fort de cette assise, Vladimir Poutine a appelé de ses vœux une multipolarisation du monde, fondé sur un ordre “plus juste et plus démocratique”.
Les représentants chinois ont approuvé: selon eux, malgré “le chaos actuel”, l’amitié entre les deux pays “perdurera pour des générations”. Le soutien chinois est réaffirmé, en dépit de l’enlisement de l’invasion de l’Ukraine.
C’est ce qu’espérait Vladimir Poutine, pour qui ce raout alternatif devait avant tout renvoyer au monde occidental l’image d’un pays fort, loin d’être isolé du reste du monde. De ce point de vue là, pari gagné.
La Chine, quant à elle, prépare son OPA sur les BRICS – dans le Quotidien du Peuple (24 octobre), une tribune intitulée “paix universelle” [寰宇平] annonce “un plan chinois visant à unir les autres pays du Sud à travers les mécanismes des BRICS”.
Chine: “les colonisateurs doivent assumer leur responsabilité historique”
ONU – 16 octobre [Xinhua]: lors du débat général sur la décolonisation à la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, Geng Shuang, représentant permanent adjoint de la Chine, s’est prononcé: “le colonialisme a provoqué des guerres, des conflits, (…) [I]l a causé de graves souffrances à un grand nombre de pays en développement et suscité d’innombrables tragédies humaines.”
“Aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons n’est pas encore sorti de l’ombre du colonialisme”, il renchérit.
Le narratif consistant à mettre le doigt sur le système colonial était pourtant confiné au rebut de l’arsenal d’accusation de la diplomatie chinoise, mais avec le soutien sans faille de la Chine à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il devient difficile de se présenter comme le centre d’une alternative juste et équitable, aux antipodes d’un système occidental injuste et dominateur.
A grand renfort de cette accusation de colonialisme, Geng Shuang demande “[aux] pays qui ont mis en œuvre le système colonial ou en ont bénéficié (…) de compenser les conséquences de la colonisation, (…) cesser de poursuivre l’hégémonisme (…) cesser de nuire aux intérêts des autres pays et cesser de s’ingérer dans les affaires intérieures des autres pays.
Un conseil qui ne s’adresse manifestement ni à la Russie, ni à la Chine.
L’Oréal éprouve la fin du miracle chinois
22 octobre – Bloomberg. L’Oréal a annoncé mardi 22 octobre que les ventes à magasins comparables en Asie du Nord, y compris en Chine, avaient chuté de 6,5 % au troisième trimestre. Les ventes dans la région ont chuté pour le cinquième trimestre consécutif.
La raison est simple: les consommateurs chinois ont réduit leurs dépenses en produits de soins de la peau et en parfums en raison des inquiétudes liées au ralentissement de la croissance économique et à la crise du marché immobilier.
Comme dans tous les domaines, des concurrents chinois ne manqueront pas de prendre le relais pour proposer des produits mieux adaptés aux besoins chinois sur leur propre marché.
Cercles littéraires – la pensée de XJP “programmatique”
Symposium littéraire du 15 octobre, intitulé “étude approfondie et la pratique de la pensée culturelle de Xi Jinping par les cercles littéraires et artistiques chinois” [中国文艺界深入学习实践习近平文化思想座谈会]
“Le discours sur l’art et la littérature de XJP prononcé il y a 10 ans est devenu un document programmatique pour les cercles concernés dans la nouvelle ère”, selon Li Shulei [李书磊], membre du Pölitburo et ministre du Département central de la propagande.
Quels sont ces principes ? Ils sont indéfinissables. On a pu comprendre, à la rigueur, que les artistes devaient raconter “une belle histoire de Chine”, donner “une bonne image de la Chine”. Finalement, seule compte la règle suivante, rappelée par Li Shulei lors du rassemblement de cette semaine : “Nous devons maintenir la direction du parti en matière d’œuvres littéraires et artistiques”.
Le bon littéraire ne critique pas le pouvoir. Voilà tout.
Frontière sino-indienne: un accord de statu quo trouvé
22 octobre – Pas d’accord sur le tracé des frontières contestées entre les deux pays (notamment l’Aksai Chin). Mais il n’y aura désormais plus d’accrochage entre les patrouilles, comme celui qui avait failli conduire à l’escalade de 2020.
La Chine a confirmé qu’elle avait conclu un accord avec l’Inde sur les modalités de patrouille dans les zones frontalières contestées.
Depuis 2020, de nombreuses troupes sont massées d’un côté et de l’autre de la frontière dans la vallée de Galwan. Une trentaine de cycles de négociation a été tenu.
Les détails de l’accord provisoire sont encore inconnus. On peut imaginer des rotations et des roulements à heures fixes sur des tracés bien définis de patrouilles.
L’armée dépêchée pour garder la frontière sino-birmane
22 octobre, Yunnan – 4 km de frontière ont été pris d’assaut par un très grand nombre de birmans fuyant les troubles politiques et la guerre civile larvée de leur pays.
L’armée a été dépêchée pour, selon un média chinois, “garder strictement la frontière et tuer tout contrevenant [死守]”
Une brève vidéo subsiste sur QQ [lien].
La semaine précédente, un consulat chinois à été la cible d’explosifs (Mandalay, vendredi) de la part de rebelles. Aucune victime n’est à déplorer.
Meurtres de responsables politiques par des villageois, un schéma récurrent
Septembre 2024, Jiangxi – Comme toutes les informations sensibles, celle-ci filtre avec un bon mois de retard.
Kuang Haijuan [况海涓], chef du canton d’Anfu (Jiangxi), a été assassiné le 7 septembre par des habitants du village de Xinbei. Il s’y était rendu pour superviser la construction “d’une nouvelle zone rurale”, ce qui peut tout et rien dire, mais qui sous-tend sûrement des expropriations. D’où la colère.
L’information est diffusée sur le compte WeChat du canton d’Anfu [美好安福] et ne donne pas d’écho dans la presse nationale. Le corps du défunt est resté en suspens pendant 1 mois, selon sa famille, car le Parti ne voulait pas le proclamer “martyr” (sans doute en raison de la publicité qu’un tel titre susciterait, fatalement).
C’est le 5ème meurtre de responsable politique par des habitants au second semestre de 2024, selon les autorités chinoises.
Voilà pour la semaine !
