PARPCC #24 – Reprendre le Contrôle : Xi Jinping et L’armée Populaire de Libération 7 octobre 2024 Bien qu’au service du Parti Communiste Chinois, l’armée a pu profiter d’une certaine autonomie vis-à-vis du Parti depuis les années 1950. Passée d’un l’état de fusion sous Mao Zedong, incarné par l’adage « la Parti commande aux fusils », elle s’émancipe avec Deng, et ce afin de favoriser le développement des capacités de mener une guerre extérieure. L’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2012 a sonné la « fin de la récré » et le resserrement de l’emprise du PCC sur la sphère militaire. Comment Xi a-t-il repris le contrôle et quels sont les risques associés à ces changements ? La loi chinoise est très claire : l’Armée Populaire de Libération (APL) est au service du Parti Communiste Chinois. Cela est courant dans les régimes communistes et bien différent du fonctionnement des démocraties, dans lesquelles les armées sont in fine au service de la nation, et donc, du peuple. Huntington qualifie ainsi de « contrôle civil objectif » les relations civilo-militaires des démocraties et de « contrôle civil subjectif » – comprendre ayant une couleur politique déterminée – les relations civilo-militaires observables en Chine. Dans les deux cas néanmoins, cet équilibre doit permettre de constituer une armée efficace (capable de défendre le pays) sans menacer le statu quo politique. Avant l’arrivée au pouvoir de Xi en 2012, les conséquences néfastes d’une relation civilo-militaire très « souple » se faisaient sentir : 1) l’APL menait des opérations sans en informer les responsables civils et sans souci apparent de leurs répercussions internationales (ex: le crash du EP-3 en 2001) ; 2) l’APL était fortement corrompue et 3) l’empreinte idéologique du Parti sur l’APL était très faible, faisant craindre une « révolution de couleur » soutenue par l’armée et fomentée depuis l’étranger, ou bien un refus d’obéir en cas de crise/révolte interne. Selon Wuthnow and Saunders, Xi Jinping a mené une politique en 4 temps pour ramener l’armée dans le « droit chemin » du Parti: 1) il a renforcé son propre rôle au sein de l’armée en s’impliquant massivement dans les rituels militaires (56 apparitions en 3 ans) mais aussi en reprenant son rôle de président de la Commission Militaire Centrale des mains du Vice-président (un militaire de carrière) qui siégeait depuis de nombreuses années. 2) il a nommé des alliés aux postes clefs de l’APL et fait radier une centaine de généraux pour corruption, tout en renforçant la rotation géographique des officiers. 3) il a intégré des « contrôles idéologiques » comme dans les entreprises d’Etat, a réformé la bureaucratie de la Commission Militaire Centrale pour assurer la remontée d’informations par diverses sources, créé des numéros verts permettant des dénonciations anonymes, etc. See Also PARPCCL #13 – La Banque asiatique d’investissements et d’infrastructures (AIIB) remet-elle en cause l’existence de la Banque mondiale ? 4) il a renforcé l’éducation idéologique à tous les échelons, notamment les plus élevés, de l’APL. Xi a largement rempli ses objectifs initiaux, même si le PCC n’a toujours pas complètement mis l’APL au pas. Le manque de transparence de l’armée sur ses opérations aurait, selon les auteurs, embarrassé l’élite politique chinoise quand un ballon-espion a survolé les Etats-Unis du 28 janvier au 4 février 2023. La destitution récente du Ministre de la Défense chinois témoigne également d’une défiance continue entre l’élite du Parti et l’APL. Enfin, les réformes opérées par Xi ont surtout renforcé le lien entre l’armée… et Xi lui-même. Le lien Parti-Armée étant peu institutionnalisé, Wuthnow et Saunders anticipent le risque d’une crise lors de la prochaine passation de pouvoir. Référence : Wuthnow, Joel & Saunders, Phillip C. (2024) “More Red but Still Expert: Party-Army Relations Under Xi Jinping”, Journal of Contemporary China, pp. 1-16.