Auto-critique à la télévision : la nouvelle tendance en Chine
Sur CCTV, la télévision chinoise multiplie les documentaires accablant en direct les fraudeurs et les coupables de trahison aux règles du Parti. Qui apparaît dans ces programmes, à quoi servent-ils, et comment sont-ils accueillis en Chine ?
[thb_title style= »style7″ title= »La télévision justifie l’arrestation d’une clique »][vc_column_text]Ce 21 février sortait un nouveau documentaire sur la télévision chinoise. Dès la première minutes, « Purifier l’air du Yunnan » [清风云南] s’affiche en gros caractères sur l’écran, indiquant d’emblée à quelle sauce le spectateur sera mangé. D’anciens cadres du Parti vêtus en détenus défilent à l’écran, comme pour un trailer d’un blockbuster d’été. Cette fois, il s’agit de la clique de Qin Guangrong [秦光荣], l’ancien gouverneur du Yunnan.
Commanditée par la Commission provinciale d’inspection et de contrôle de la discipline du Yunnan, ce programme en deux parties va écumer les relations de Qin Guangrong et compiler un maximum de témoignages à charges. Témoignages que les intéressés fournissent avec empressement, dans l’optique d’alléger leurs propre implication dans ce dossier de corruption qui s’étale sur une vingtaine d’années.
Ce n’est pas le premier documentaire publié de la sorte. Ces dernières années, les films grand public mettant en scène d’anciens corrompus, d’anciens criminels, des cadres en disgrâce en pleine session d’auto-critique, se sont multipliés. Le premier d’entre eux, [作风建设永远在路上], date de 2014. Il montrait des images « en caméra cachée » pour la première fois, afin d’accabler Wan Qingliang [万庆良], un menu fretin du PCC. Mais la méthode fait date. Nous avons récemment eut droit au feuilleton de l’arrestation de Sun Lijun et sa clique (nous en avions déjà parlé dans notre site). Les arrestations sur persuasion des criminels chinois d’outremer, via l’opération Skynet, comme dans cette série documentaire. Et surtout, la série en 16 épisodes intitulée « Tolérance 0 », en 2022.
[thb_title style= »style7″ title= »Pourquoi de telles productions ? »][vc_column_text]Ces documentaires, même en Chine, n’ont rien d’anodin. Ils demeurent « glauques » pour le public mainstream, surtout un public non averti. Néanmoins leur multiplication permet de glisser progressivement ce climat d’arrestations dans le champ du normal. Par ailleurs, diffusés sur la première chaîne du pays, qui tourne en boucle dans les gargotes comme dans les foyers, ces documentaires justifient l’action interne du gouvernement.
Car si dans la plupart des cas, les arrestations de corrompus haut placés ne suscitent rien d’autre que l’indifférence du public, certaines personnalités sont protégés par leur popularité auprès de leurs administrés. C’est le cas de Yin Hong [尹弘], par exemple (voir notre article). La machine implacable, démonstrative de ces documentaires permet de faire tomber un politique, malgré ses bons résultats et la profondeur de son ancrage local.

Enfin, ces documentaires font la part belle à l’action de la police, au dépend de la justice, qui passe pour parodique en dépit des efforts de l’équipe de tournage. La police, c’est l’institution cajolée par l’administration de Xi Jinping, et cela se sent dans la production audiovisuelle chinoise. Les officiers, enquêteurs et agents divers sont patriotes, droits, honnêtes, et se battent pour le bien du Peuple. Tout le contraire du vécu d’un grand nombre de chinois, pour qui la police est avant tout un agent de l’arbitraire qu’il convient de garder loin de soi.
[thb_title style= »style7″ title= »Quelle réception pour ces documentaires à charge ? »][vc_column_text]La réception diffère probablement de celle attendue par les instigateurs de cette stratégie médiatique. Si la lutte contre la corruption est une nécessité, même du point de vue de certain corrupteurs « par la force des choses », l’intégrité du PCC laisse a désirer en la matière. Ce n’est un secret pour personne: la lutte anti-corruption est un moyen de régler des compte dans la lutte pour le pouvoir au sein du Parti. Le NYT (version chinoise) rapporte ainsi que seuls 20 des 1500 commentaires originaux Weibo du documentaire « 0 tolérance » ont été épargnés par la censure chinoise.
En effet, ces documentaires font surgir un autre élément: les cadres du PCC en fonction mènent un train de vie totalement hors sol, en comparaison avec le citoyen moyen. Et si certains tombent, la grande majorité d’entre eux continuent d’administrer leur région en profitant à plein régime des avantages, notamment pécuniers, que leur confèrent leur position.
Le chemin reste encore long pour la centrale de propagande chinoise.
