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PARPCC #18 – La Chine parvient-elle à faire accepter ses façons de faire au Sud ?

PARPCC #18 – La Chine parvient-elle à faire accepter ses façons de faire au Sud ?

Quand on a fait de la science politique comme moi et qu’on réfléchit à la diffusion des normes, on pense à l’Union européenne et son « pouvoir normatif », décrit par le chercheur Ian Manners. Dans cet article, Garlick et Qin regardent à la loupe la capacité de la Chine à diffuser au Sud (Global South en anglais), en examinant la réception de ses slogans (comme la fameuse « coopération gagnant-gagnant ») et de certaines de ses positions (comme la non-reconnaissance de Taïwan). L’article conclut à une diffusion, certes limitée, des normes chinoises, mais qui reste à surveiller.

Garlick et Qin expliquent que la Chine a mis en place une « diplomatie normative » que le pays diffuse via trois canaux principaux : les Nouvelles Routes de la Soie, les organes de coopération régionaux (N+1 comme les BRICS, le FOCAC ou l’OSC par exemple) et la coopération économique bilatérale. L’objectif de la diplomatie normative chinoise est de transmettre ses normes aux pays partenaires. Par rapport aux acteurs occidentaux, les normes que la Chine souhaite transmettre sont basées sur la pratique plutôt qu’ancrées dans le droit.

Les éléments à transmettre sont de deux types : discursifs et prescriptifs. Les éléments discursifs promeuvent une certaine vision des relations internationales et de la place de la Chine dans celle-ci. Il s’agit des éléments de langage chers à Xi Jinping comme « la communauté de destin commun », « la coopération gagnant-gagnant », ou co-construits avec les pays du Sud au cours des dernières décennies – comme le concept de « coopération Sud-Sud » ou le « soutien au multilatéralisme ».

Dans ses discours au Sud, la Chine met surtout en avant les éléments de la pensée de Xi Jinping. Les pays analysés dans l’étude, eux, utilisent surtout les éléments de langages co-construits et plus traditionnels des relations Sud-Sud, et encore, uniquement dans leurs relations bilatérales avec la Chine. Les éléments discursifs normatifs Chinois n’ont donc pas été largement repris et utilisés par les acteurs du Sud comme initialement souhaité.

Les éléments prescriptifs concernent surtout trois normes : deux « négatives » – le fait de ne pas avoir de relations officielles avec Taïwan et  la promotion de la non-ingérence dans les « affaires internes » de la Chine ; et une « positive » – la promotion de relations économiques selon une logique propre à Pékin, comme l’échange de prêts garantis par l’Etat chinois contre l’accès privilégié aux ressources naturelles du bénéficiaire. Les auteurs soulignent que ce fonctionnement constitue la colonne vertébrale de la collaboration entre la Chine et le Pakistan par exemple.

L’adhésion aux éléments prescriptifs parmi les acteurs du Sud a plus de succès. D’abord car ces éléments sont en fait des prérequis à toutes les coopérations avec la Chine. On note d’ailleurs que la plupart des pays occidentaux n’entretiennent pas non plus de relations officielles avec Taïwan, et que ceux qui le font, comme la Lithuanie, le payent assez cher. On observe également peu de condamnation de la politique chinoise au Xinjiang par les partenaires au Sud (principe de non-ingérence) et beaucoup de coopérations économiques « à la chinoise » : prêts en échange d’accès aux ressources naturelles, projets d’infrastructures réalisés par des entreprises d’Etat chinoises, etc. 

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Si la réussite de la diplomatie normative chinoise au Sud est en demi-teinte, Garlick et Qin indiquent qu’elle doit tout de même obliger les pays occidentaux à se poser des questions sur son influence, puisqu’ils soulignent en filigrane que le modèle normatif occidental, davantage axé sur le droit, n’a pas plus, voire moins, d’attrait.

Référence : Garlick, Jeremy & Qin, Fangxing (2023), « China’s « Do-as-I-do » Paradigm : Practice-Based Normative Diplomacy in the Global South », The Pacific Review.

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