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PARPCC # 5 – Négocier des avantages sociaux en terre communiste: l’impossible quête du syndicalisme chinois

PARPCC # 5 – Négocier des avantages sociaux en terre communiste: l’impossible quête du syndicalisme chinois

Panda, Alcool de Riz et PCC

Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter.

Alors qu’en France la réforme des retraites est passée au moyen du « 49-3 », le comité central du PCC appelle les provinces chinoises à mettre en place d’ici à 2025 (soit demain !) un système d’aide médicale et sociale aux personnes âgées. Si les syndicats ont été très visibles durant la réforme des retraites en France, quel rôle jouent-ils en Chine, où la grève n’est pas un droit ?

Négocier des avantages sociaux en terre communiste: l’impossible quête du syndicalisme chinois

Chloé Froissart et ses collègues montrent qu’en réponse aux grèves nombreuses des années 2010 en Chine, le monopole syndical chinois – le All-China Federation of Trade Unions – 中国总工会 – tente d’évoluer. Le débat se porte de plus en plus sur les intérêts des travailleurs – les hausses de salaires – plutôt que sur leurs droits formels (souvent minimes) prescrits par Pékin.

Dans la province de Guangdong, des organisations de la société civile saisissent l’opportunité de cette « reconnexion » entre syndicats et travailleurs. Ces ONG, actives depuis les années 1990, forment et mobilisent les salariés et les syndicats locaux aux négociations collectives, via des campagnes de sensibilisation, de l’aide juridique, etc. Elles réussissent à opérer chez les travailleurs et les syndicats un changement de stratégie : c’est l’avènement de l’action collective au détriment des recours individuels. Et ça marche !

Les résultats sont impressionnants : l’étude par Chloé Froissart de 40 cas de négociations collectives révèle qu’en 5 ans sont obtenus des centaines de milliards de yuans, des compensations pour licenciements, des meilleurs protections sociales, et pas que ! Les ONG promeuvent l’ouverture du système syndical « fermé » chinois et la « codification » des succès engrangés pour que le droit du travail chinois évolue en faveur des salariés. Qui l’eût cru dans la Chine autoritaire ?

Bien sûr, ce phénomène est local. Il y a plusieurs Chines, voir 1000 Chine, mais l’expérience de Guangdong rappelle que toutes sont sous l’œil attentif et sévère de Pékin. La province attire en effet les foudres du PCC: jugements et emprisonnements à la pelle. Face à cela, dans le pays entier, certaines organisations se désorganisent, changent de combat, ou deviennent clandestines.

Alors que Xi Jinping lui-même avait en 2013 appelé à ce que le mouvement syndical renoue avec ses racines, il a clairement « changé de braquet » : en 2019, il procède à de nouvelles arrestations dans ces cercles militants, alors que les personnes n’étaient même plus directement impliquées dans les nouveaux mouvements sociaux. Xi instaure un régime de la peur.

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La faiblesse du All-China Federation of Trade Unions résulte donc d’une équation impossible à résoudre. En termes « léninistes », le syndicat doit à la fois être la courroie de transmission du PCC, notamment pour assurer une production continue pour garantir la survie de la Nation (et du Parti évidemment), tout en représentant les intérêts et faisant respecter les droits des prolétaires. Il lui est en fait impossible de faire les deux.

Les articles de Froissart & co témoignent d’un syndicalisme chinois malheureusement incapable de transmettre les revendications des salariés, de faire « leur taff » en somme. Les travailleurs se tournent alors vers d’autres formes d’action, comme en témoigne l’augmentation des grèves et manifestations, pourtant toujours illégales.


Références : Froissart, Chloé (2018), “Negotiating authoritarianism and its limits: Worker-led collective bargaining in Guangdong Province”, China Information, Vol. 32(1), pp. 23-45. Froissart, Chloé & Franceschini, Ivan (2021), “2015”, in Franceschini, Ivan & Sorace, Christian (eds.), Proletarian China : A Century of Chinese Labour, Made in China Journal, 684-691.

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