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PARPCC #8 – Les Routes de la Soie Numériques – bras de fer entre Pékin et le secteur de la Tech

PARPCC #8 – Les Routes de la Soie Numériques – bras de fer entre Pékin et le secteur de la Tech

Panda, Alcool de Riz et PCC

Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter.

On connaissait les Nouvelles Routes de la Soie de la Chine (2013), moins leur déclinaison numérique : la Route de la Soie… Digitale (RSD). Cheng et Zeng décrivent la RSD comme un « vague slogan politique » dont l’adoption et la mise en œuvre reflètent des tensions internes à la Chine, notamment entre le PCC et le secteur privé.

Les Routes de la Soie Numériques – bras de fer entre Pékin et le secteur de la Tech

Les implications de la RSD, présentées en grande pompe par Xi en personne, sont nombreuses et importantes: c’est via la RSD que la Chine pourrait redéfinir des standards comme la 5G au niveau mondial, et promouvoir un autoritarisme digital à rebours des valeurs démocratiques.

Sur le plan politique, la RSD permet d’attirer l’attention et de déclencher des actions (Yes we can !). La Chine annonce ainsi qu’elle va jouer un rôle important dans le numérique. Cheng et Zeng montrent cependant que derrière l’effet d’annonce « RSD », la Chine n’a pas d’objectif géopolitique précis ; et que les géants de la tech chinoise (Alibaba, Tencent et Baidu notamment) ne sont pas pleinement impliqués dans cette initiative.

Les tensions qui opposent le secteur de la tech et le PCC se lisent entre les lignes, car beaucoup d’entreprises privées chinoises soutiennent officiellement la RSD. C’est normal : les géants de la tech y ont un intérêt économique. Alibaba, par exemple, se sert de la RSD pour promouvoir ses solutions de e-commerce.

Si la tech chinoise a pris le train en marche de la RSD, c’est que le train était parti sans elle ! Comme pour les Nouvelles Routes de la Soie, portées par des entreprises publiques chinoises, la RSD s’est d’abord appuyée sur les contributions d’un happy few d’entreprises publiques (China Mobile, China Telecom et China Unicom). Ce n’est que dans un second temps que l’Administration du cyberespace a ouvert la porte à quelques géants privés.

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En effet, Pékin et ces mastodontes du numérique se tiennent par la barbichette : le PCC s’appuie sur la tech pour la promotion et la mise en œuvre des Nouvelles Routes de la Soie et de la RSD ; la tech, elle, s’appuie sur Pékin pour avoir des régulations (souples de préférence !) qui lui permettent de s’étendre.  Cette relation est tendue, comme en attestent l’épisode de la disparition de Jack Ma ou l’annulation in-extremis par le Parti de l’introduction en bourse d’Ant Group (2020).

La RSD n’a donc pas été complètement pensée avant d’être lancée, tout comme les Nouvelles Routes de la Soie avant elle. Elle donne à voir les tensions qui opposent Pékin et le secteur privé de la tech et nous montre aussi la puissance des slogans : à force d’être perçue comme une grande stratégie, la RSD fait peur, trop peur, et invite à la surenchère, et aux réponses protectionnistes des acteurs occidentaux, notamment en provenance des Etats-Unis.

Référence: Cheng, Jing & Zeng, Jinhan (2023), « Digital Silk Road » as a Slogan Instead of a Grand Strategy”, Journal of Contemporary China, pp. 1-16.

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