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Quel est l’élixir de jouvence du Parti Communiste Chinois ?

Quel est l’élixir de jouvence du Parti Communiste Chinois ?

Panda, Alcool de Riz et PCC

Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter.

Alors que les Chinois sont récemment descendus dans la rue pour manifester contre la réforme relative à leur couverture sociale, contre l’augmentation des prix, la politique anti-COVID, et les atteintes à la liberté d’expression, on peut s’interroger sur la capacité – semble-t-il infinie – de résilience du Parti Communiste Chinois.

Quel est l’élixir de jouvence du Parti Communiste Chinois ?

La chercheuse Yuenyuen Ang nous explique que la résilience du PCC est due essentiellement aux dernières retouches apportées par Xi Jinping à des réformes datant de l’ère de Deng Xiaoping (1978-1989) et institutionnalisées progressivement.

Xi Jinping a notamment maintenu l’existence d’une bureaucratie performante instituée par Deng – dont il sait avoir besoin – tout en limitant son autonomie. Il a aussi retiré les obstacles à l’exercice de son propre pouvoir : fin de la gouvernance collective, suppression de la limite de deux mandats, pensée de Xi dans la constitution, etc.. Ainsi, au sein du Parti, on ne promeut plus seulement les cadres en fonction de leur performance (croissance économique, stabilité sociale) mais aussi en fonction de leur loyauté à Xi Jinping et à sa pensée. Xi a ainsi changé la logique de la bureaucratie : plutôt que de suivre la rationalité économique, celle-ci est désormais dévolue à un seul homme.

Ces modifications renforcent Xi mais aussi le Parti: suite à la campagne anti-corruption lancée en 2012, un des grands fléaux domestiques de la Chine est désormais sous contrôle. Autre nouveauté moins connue : les risques de guerre entre factions, qui suivaient chaque fin de mandat présidentiel, n’existent plus avec Xi puisque sa succession n’est pas à l’ordre du jour.

Malgré tous ces chamboulements, Xi a gardé en place la clef de voûte de la résilience du PCC – la « gouvernance adaptative ». Quand le PCC rencontre un problème sans solution toute prête, il a recours à l’expérimentation administrative. Par exemple, une des épines dans le pied récente du Parti est l’accumulation de richesses et de pouvoir des grands noms du secteur de la haute technologie. Suite à l’échec des mesures restrictives sous la bannière de la « prospérité commune » (共同富裕) qui ont plongé la place boursière chinoise dans le chaos, Xi a radicalement changé de braquet : il a nommé une province-pilote, le Zhejiang, pour proposer des solutions novatrices. Si le problème est bien identifié par l’Etat central, c’est aux gouvernements locaux de trouver des solutions. Et cette pratique est loin d’être nouvelle.

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La « gouvernance adaptative » donne la flexibilité nécessaire au PCC pour gérer un territoire grand comme la Chine et permet aussi au Parti de se défausser sur les gouvernements locaux en cas de grogne populaire. Cette stratégie a porté ses fruits : une étude du Ash Center d’Harvard montre que les citoyens chinois expriment un niveau de satisfaction bien plus élevé quand il s’agit du gouvernement central plutôt que des gouvernements locaux. L’auteur conclut que ces caractéristiques en partie héritées de Deng et réformées par Xi font de la Chine un Etat au pouvoir particulièrement résilient et de plus en plus autoritaire. Yuenyuen Ang met ainsi en garde contre les risques associés (au-delà du conflit armé) d’une confrontation entre le régime autoritaire chinois, en pleine phase ascendante, et nos démocraties affaiblies par le populisme.

Référence: Ang, Yuen Yuen. “How Resilient Is the CCP?” (2022), Journal of Democracy, vol. 33(3), pp. 77–91.

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