La lente disparition du Koreatown de Pékin 28 septembre 2022 J’ai vécu à Wangjing avant le lycée, j’aimais ce quartier. Il y avait 8 familles à mon étage, et 6 étaient coréennes (…) Vous pouviez voir des restaurants, des supermarchés, des salles de taekwondo, tous faits pour les Coréens (…) Ces dernières années, en raison du retrait de nombreux capitaux et de nombreuses entreprises étrangères, le nombre de Coréens a fondu dans le district [témoignage Zhihu par un anonyme – 2014]. La Mecque rêvée des Coréens - années 90'-2000 Dans le cœur des Coréens, la popularité de Wangjing ressemble à celle du quartier chinois de San Francisco auprès des Chinois. A l’époque, c’était rare de voyager, Wangjing excitait l’imagination de tout le monde. On aurait dit Séoul. Il y a ici de la K-pop, des drames coréens, du maquillage coréen et des vêtements Dongdaemun [témoignage Zhihu – 地道风物, 2019]. C’est en 1987 que les premiers immeubles du nouveau quartier de Wangjing s’élèvent sur les ruines de l’ancien village de Dawangjing [大望京村]. 5 ans plus tard, la Chine noue des relations diplomatiques avec la Corée du Sud. Puis, la crise financière asiatique de 1997 a frappé le continent. De nombreux homme d’affaire coréens ont donc choisi de délocaliser en Chine, où le coût de la main-d’œuvre était moins élevé. LG, Samsung et Hyundai notamment, on entamé leur mue chinoise dans ces années-là. Le point de rassemblement de ces coréens était donné: ce sera Wangjing. A cette époque, 75 000 coréens sont recensé à la fin des années 2000 dans le district, soit 1/3 de la population locale. Le quartier se transfigure, les panneaux en coréens germent et surgissent partout, les fameux BBQ coréens emportent l’adhésion unanime des chinois, bien avant leur arrivée en Europe. Une école internationale coréenne ouvre ses portes. Wangjing devient le Koreatown de Chine. Wangjing devient le Montmartre chinois Dans sa période de gloire, Wangjing est aussi devenu un épicentre artistique. Cosmopolitisme, modicité des loyers, proximité avec la capitale, jonction rural-urbain, le district avait tout pour plaire à la jeune relève artistique de Chine. C’est ici qu’a commencé Zhang Xiaogang [张晓刚], le fameux artiste surréaliste chinois [portrait des œuvres]. Chen Wenbo [陈文波], Song Yonghong [宋永红] et Ma Liuming [马六明], les trois autres « rois célestes de l’art contemporains chinois » [中国当代艺术(油画)四大天王之首] y ont également fait leurs premiers pas. L’ambiance est digne d’une chanson d’Aznavour. L’artiste Qiu Zhijie [邱志杰], vidéaste et photographe (page wiki) qui y a vécu dans les années 2000 raconte: « à l’époque, tous les artistes contemporains étaient très pauvres, alors on a assemblé une centaine de clefs de maison pour nous ouvrir un grand dortoir commun, tous ensemble. C’était notre âge d’or. Tout le monde mangeait et buvait ensemble, on se critiquait et on se moquait les uns des autres, on s’humiliait; notre liant, c’était les émotions humaines« . La proximité de l’immense studio d’exposition bien connu, Qijiuba [七九八], a sans doute aidé nombre de ces jeunes pousses à devenir ces artistes internationaux qu’on connaît aujourd’hui. See Also [Les hommes de Xi] Cai Qi, l’exécuteur froid Pendant une décennie, Wangjing a ressemblé à Montmartre pour ces étudiants talentueux des 4 coins du pays. Le lent reflux des coréens de Wangjing En 2020, ils n’étaient plus que 8 000 coréens vivant à Wangjing (données du district de Chaoyang, Pékin, 2020). La crise des subprimes de 2008, puis « l’incident des THAAD » de 2017 ont poussé de nombreux coréens à s’exiler. Entre 2010 et 2020, la moitié des restaurants coréens ont fermé leurs portes. En 2011, une « Zone d’innovation des entreprises scientifiques et technologiques de Dawangjing » [“大望京科技商务创新区”] est inscrite dans le nouveau plan quinquennal. L’économie de Wangjing explose, Baidu, NetEase, Sohu et iQiyi s’y installent à partir de 2012. De nombreuses multinationales viennent compléter le tableau, comme Eriksson. L’arrivée en masse des grands groupes a contribué à chasser les coréens non propriétaires dont les loyers devenaient trop hauts. Jung Ho-seok [lire témoignage en mandarin], 32 ans, a passé toute son adolescence à Wangjing. Comme à Séoul, il mangeait dans des restaurants coréens, rempli de Coréens, portait un uniforme scolaire de style coréen dans une école internationale et jouait avec des amis coréens. Il est aujourd’hui propriétaire d’une chaîne de barbecue coréen basé à Wangjing, mais compte bien retourner en Corée pour sa retraite. Comme Jung Ho-seok, les vieux coréens de Wangjing rentrent progressivement, laissant la place aux nouveaux habitants chinois qui viennent travailler pour les nombreux géants du numériques nationaux installés dans le district. En 2019, CCTV-9 a produit un documentaire sur cette communauté en disparition.