Now Reading
Le programme politique Xi pour l’avenir : 14 points.

Le programme politique Xi pour l’avenir : 14 points.

Dans son rapport en plénière pour ouvrir le Congrès, Xi Jinping a annoncé les points sur lesquels son administration devra se concentrer à l’avenir.

1/ Moderniser le marxisme en Chine.

C’est la thèse d’Alice Ekman: Xi est authentiquement marxiste, quitte à faire passer des points économiques derrière des politiques idéologiques. Le rapport semble appuyer cette thèse: la modernisation du marxisme arrive en premier point du rapport de Xi.

« La théorie scientifique marxiste est le fondement (…) de notre Parti et de sa compréhension de l’histoire« , lit-on. « Les communistes chinois sont profondément conscients que ce n’est qu’en combinant les principes de base du marxisme avec la réalité concrète de la Chine et avec l’excellente culture traditionnelle chinoise (…) qu’ils pourront assurer la vitalité du marxisme« .

Pour Xi, moderniser le marxisme constitue « la responsabilité historique » des communistes chinois.

2/ Accomplir le grand renouveau de la nation chinoise

Mais qu’est ce que cela signifie? Xi donne les éléments par ordre d’importance. D’abord et avant tout, adhérer à la direction du Parti. Ensuite, adhérer au socialisme aux caractéristiques chinoises. Accomplir un développement de la Chine de haute qualité. Développer une démocratie populaire. Enrichir le monde spirituel du peuple. Atteindre la coexistence harmonieuse entre l’Homme et la Nature. Promouvoir une communauté de destin pour l’humanité, « pour créer une nouvelle forme de civilisation humaine« . Et ce, à l’échéance 2049.

Autrement dit, le renouveau de la nation chinoise, c’est un Parti plus fort que jamais, qui peut s’appuyer sur une technologie puissante et une population docile pour remodeler les équilibres internationaux plus favorablement à la Chine.

A ce niveau, nous conseillons le livre de Hugo Plassais, La Chine, un acteur responsable, révisionniste ou réformiste, aux éditions de l’Harmattan.

3/ Le développement dit ``de haute qualité``.

Cela consiste à développer la demande intérieure, consolider les entreprises d’Etat (ou SOE) et « guider » le secteur privé dans le sens de l’ambition politique de Xi.

Au cours de ce long développement (inutile d’applaudir), Xi cite une fois l’Initiative One Belt One Road, un axe programmatique tombé en désuétude en Chine.

4/ Renforcer la recherche et l'éducation

Pour résumer:

  • Mieux prendre le contrôle de l’éducation. Dernièrement, l’éducation dite « hors campus » a été sévèrement réprimée par le gouvernement. Sous Xi Jinping, il n’y a qu’une éducation possible: la sienne. Cela signifie avant tout: développer la moralité de la population [落实立德树人根本任务].
  • Devenir auto-suffisant au niveau des sciences et technologies. Encore abimé par la guerre commerciale Chine-US, le gouvernement souhaite désormais se mettre hors d’atteinte de toute mesure de rétorsion en provenance d’un adversaire politique ou commercial.
  • La technologie qui nous intéresse, c’est celle qui sert les intérêts nationaux.

5 / Mettre en place une démocratie populaire.

D’emblée, Xi précise: « nous sommes une dictature socialiste démocratique populaire » [人民民主专政的社会主义国家], qui serait fondée sur l’alliance entre les ouvriers et les paysans.

Pour renforcer la démocratie populaire, selon le leader chinois, il faut « étendre la participation ordonnée du peuple » [扩大人民有序政治参与]. Il précise: « la démocratie populaire, c’est la démocratie la plus étendue, la plus réelle et la plus efficace » [社会主义民主政治的本质属性,是最广泛、最真实、最管用的民主].

Mais concrètement, rien n’est proposé si ce n’est d’étendre le pouvoir de contrôle démocratique de la CCPPC, à savoir la seule assemblée totalement privée de pouvoir, dans la pratique comme dans la constitution.

Une députée CCPPC fait le tour d’une province reculée (蕉岭) pour recueillir des doléances

Il est tout de même amusant de voir Xi Jinping et ses disciples se fendre d’un semblant de décorum démocratique, de manière permanente, quand le contenu même de ces déclarations n’est qu’une succession de non-sens et de contresens. Néanmoins, cela révèle la conscience globale des dirigeants chinois du danger que représente un système politique concurrent dans un pays puissant, et qui plus est séduisant, qu’il s’agisse des US ou de l’Europe (considérée comme un pays en Chine).

6/ Construire un Etat de droit.

Belles déclarations de principes selon lesquelles le droit devrait être appliqué de manière impartiale avec la constitution comme centre.

N’oublions pas que la Chine ignore la séparation des pouvoirs.

De même, la Cour Suprême obéit aux directives du Parti, et cette obligation est inscrite dans ses statuts constitutifs mêmes (lire notamment ce papier de la professeure Li Ling sur la question).

Dès lors, l’Etat de droit, c’est simplement un pays soumis aux pouvoirs exorbitants des dirigeants du Parti, sans possibilité de recours.

7/ Promouvoir la confiance culturelle

Cet axe est intéressant, mais ce discours n’apporte rien de nouveau. Xi Jinping souhaite bâtir une culture révolutionnaire qui puisse faire contrefeux à la suprématie culturelle occidentale.

L’idée a conduit le Parti à minimiser voire gommer les horreurs commises par la Parti dans le passé, y compris la révolution culturelle, qui disparaît progressivement du corpus d’enseignement des jeunes étudiants.

De la même manière, c’est cette volonté de promouvoir une confiance culturelle chinoise qui a poussé Xi Jinping à mettre sur le devant de la scène des traditions chinoises tombées dans l’oubli, comme la fameuse TCM (médecine traditionnelle chinoise) dont la promotion officielle frise le ridicule.

Emissions et programmes fleurissent pour encourager la « confiance culturelle » 文化自信 – mais ne font pas recette… pour l’instant.

L’explosion des films gros budgets axés sur la grandeur de la Chine, que ce soit dans l’histoire ou autour de son armée contemporaine sous le mandat de Xi découlent également de cette idée d’une confiance culturelle à regagner.

Idem pour les divers programmes de soft power culturel chinois, notamment en Afrique, placées sous le patronage du fameux Front Uni.

8/ Améliorer la vie des gens

C’est la mission historique du Parti: gouverner le peuple dans son intérêt, et améliorer son sort.

Xi Jinping souhaite, dit-il, améliorer le système de redistribution des richesses et « encourager le travail pour faire fortune« . Reprenant un slogan bien connu en France, il annonce même vouloir « adhérer au principe d’obtenir plus pour plus de travail » [坚持多劳多得], soit travailler plus pour gagner plus.

Il n’oublie pas les femmes, qui doivent obtenir l’égalité des chances avec les hommes, notamment grâce à des aides en cas de grossesse.

Il n’oublie pas non plus le problème du vieillissement de la population, qu’il va falloir adresser.

Enfin, il souhaite faciliter l’accès aux soins des chinois, avant de préciser qu’il s’agit… de la médecine traditionnelle chinoise. Dommage

9/ Ecologie - le développement vert.

Dans ce point programmatique, rien de saillant. Il faut préserver l’environnement, décarboner l’économie, sauvegarder les paysages et conserver « une belle Chine ».

10/ La sécurité nationale

Sécurité nationale et stabilité sociale vont de pair en Chine, et ce discours ne fait pas exception.

Elle a trois aspects:

  • Sécurité physique (voir notamment notre article).
  • Sécurité politique (on ne sait pas ce que c’est) et économique
  • Sécurité internationale.

Sur ce dernier point, la présence chinoise en mer de Chine et la protection de ses axes commerciaux étaient sans doute dans l’esprit de Xi, lorsqu’il a prononcé son discours.

Peu de points d’application concrète dans cette partie, nous passons donc à la suivante:

11/ Moderniser la Défense nationale

Là encore, rien de nouveau. Xi souhaite faire de ses soldats une « armée de classe mondiale », capable de rivaliser avec les USA. Cette armée doit se placer « sous la direction absolue du Parti » et être convenablement politisée. « Le canon de l’arme obéit toujours aux ordres du Parti », rappelle Xi, citant directement Mao à cet égard.

12/ Réunifier la Patrie.

Il faut « résoudre le problème de Taïwan » [解决台湾问题].

Il précise: « résoudre le problème de Taiwan est l’affaire du peuple chinois, et c’est aux Chinois de décider« . Sur ce point, Xi n’accepte aucune ingérence étrangère, ce qui correspond à sa vision de la souveraineté chinoise et, d’une certaine manière, aux dispositions du droit international tel qu’il existe aujourd’hui.

Tout le monde le sait, la Chine modernise son armée pour protéger ses eaux territoriales revendiquées, et permettre un assaut amphibie de Taïwan le cas échéant.

« Nous insistons sur la perspective d’une réunification pacifique avec la plus grande sincérité et nos meilleurs efforts, mais nous ne promettrons jamais de renoncer à l’usage de la force militaire et nous réservons la possibilité de prendre toutes les mesures nécessaires« , dit-il. [我们坚持以最大诚意、尽最大努力争取和平统一的前景,但决不承诺放弃使用武力,保留采取一切必要措施的选项 (…)].

13 / Promouvoir la paix et le développement dans le monde et construire une communauté de destin pour l'humanité

Là encore, rien de nouveau. Partenariats win-win, promouvoir une économie mondiale ouverte, le multilatéralisme, sauvegarder les intérêts communs des pays en développement, refuser les doubles standards.

Les atermoiements et les renoncements de la Chine vis-à-vis de la crise en Ukraine ont, bien sûr, mis du plomb dans l’aile de cette rhétorique un peu usée du Parti sous Xi. Ces éléments de langage ont eux aussi un peu disparu de la presse officielle ces derniers temps.

See Also


« La Chine ne cherchera jamais l’hégémonie et ne s’engagera jamais dans une politique d’expansion« , précise Xi Jinping, reprenant un poncif habituel de la diplomatie chinoise sous le PCC post-Mao.

14/ Gouverner le Parti sans faiblir.

« La clé pour construire un pays socialiste moderne et pour promouvoir le grand renouveau de la nation chinoise réside dans le Parti« , lance Xi en début de partie. Il affirme que « l’ensemble du Parti » doit se souvenir que la gouvernance stricte est toujours à l’ordre du jour. Autrement dit, Xi n’a pas terminé d’épurer l’appareil.

« Nous devons pousser l’auto-épuration, l’auto-innovation et l’auto-amélioration du parti », précise-t-il [全面推进党的自我净化、自我完善、自我革新、自我提高,使我们党坚守初心使命].

Il annonce un renforcement des contrôles disciplinaires au sein du Parti, et laisse entendre qu’il ne souffrira plus d’opposition au sein du comité central [我们要坚持和加强党中央集中统一领导,健全总揽全局、协调各方的党的领导制度体系,完善党中央重大决策部署落实机制,确保全党在政治立场、政治方向、政治原则、政治道路上同党中央保持高度一致,确保党的团结统一], avant de comparer la corruption au « pire cancer » qui ronge le Parti.

Sur ce point, nous vous invitons à jeter un œil à notre dernier article sur les purges récentes du Parti en amont de ce Congrès.

Pour terminer son discours, Xi lance:

Camarades ! (…) Tout le Parti, toute l’armée et le peuple de tous les groupes ethniques du pays doivent s’unir étroitement autour du Comité central du Parti, garder à l’esprit que les paroles vides de sens égareront le pays et que le travail acharné le rajeunira. Soutenons le grand rajeunissement de la nation !

同志们!党用伟大奋斗创造了百年伟业,也一定能用新的伟大奋斗创造新的伟业。全党全军全国各族人民要紧密团结在党中央周围,牢记空谈误国、实干兴邦,坚定信心、同心同德,埋头苦干、奋勇前进,为全面建设社会主义现代化国家、全面推进中华民族伟大复兴而团结奋斗!

Rien de bien neuf, donc, mais plutôt un approfondissement de sa politique. Le plus intéressant reste la disparition de certains tenons essentiels des débuts de son mandat, à commencer par l’Initiative des nouvelles routes de la Soie (BRI), à peine citée une fois dans tout le discours.

L’absence également de points précis d’incertitudes économiques en Chine, dont le risque financier systémique du système de l’immobilier. La question était présente dans le draft du rapport, mais effacé à l’arrivée.

Le fait aussi de ne pas citer une seule fois la Covid-19. Il s’agit simplement de limiter la propagation d’épidémies. Le gouvernement ne semble pas souhaiter sortir de la politique 0-covid malgré la grogne du pays tout entier. Un signe de sa sérénité vis-à-vis de son assise et de son pouvoir en Chine.

A suivre.

Noé Hirsch.

Scroll To Top