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[Les hommes de Xi] Qui est Li Qiang, le nouveau n°2 de la Chine ?

[Les hommes de Xi] Qui est Li Qiang, le nouveau n°2 de la Chine ?

Né et grandi dans le Zhejiang, Li Qiang doit à Xi Jinping le succès de sa carrière. Ce dernier l’a placé, ainsi que de nombreux autres, sous son aile protectrice. Mais que pense Li Qiang? Quelle est sa doctrine? Elements de réponse.

Un homme élevé par Xi Jinping, soldat de l'armée de Jiang

Né en 1959, de Rui’an [瑞安], Zhejiang, Li Qiang commence à travailler à 17 ans comme ouvrier dans le département des machines agricoles de base de son comté. Il parvient à intégrer l’université de Ningbo en sciences agricoles, en spécialité « machines » deux ans plus tard.

En 1983, à 23 ans, Li Qiang intègre le Parti et devient secrétaire de branche de la Ligue de la Jeunesse [中国共青团] dans son comté. Passage important pour de nombreux cadres qui ne sont pas des héritiers, la « Ligue » est dès les années 1980 une importante faction politique. Son émergence est notamment due à Hu Yaobang, mais ce sont Hu Jintao et Li Keqiang qui en seront les principaux représentants. Il n’est toutefois pas « membre » de cette faction, mais est plutôt connu pour être un homme qui a fait ses armes dans la province du Zhejiang, d’où son affiliation à « l’armée du Jiang » ou « nouvelle armée du Zhejiang » (之江新军).

C’est sans doute en s’appuyant sur cette organisation, à l’époque puissante, que Li Qiang se libère une place de subalterne au département provincial des affaires civiles du Zhejiang [浙江省民政厅副处长] en 1985, à 26 ans. C’est au sein de ce département puissant qu’il fera ses armes pendant 10 ans, jusqu’à devenir le n°2 des affaires civiles.

En parallèle, pour rivaliser avec les officiels plus instruits, ce spécialiste des machines agricoles se forme à la sociologie par correspondance. Ce sera ensuite la marque de fabrique de Li Qiang: absorber toutes les formations utiles à disposition au cours de sa carrière (ingénierie et gestion, puis formation de cadres du Parti, puis formation à l’économie internationale…).

Li Qiang en tournée d’inspection dans le Zhejiang, en 2019

Quand, en 2002, Xi Jinping arrive au Zhejiang comme secrétaire du comité du Parti da la province, Li Qiang est donc déjà un homme qui compte dans la région. Il est le secrétaire du comité du Parti de Wenzhou – autant dire qu’il dirige de fait la ville et ses 9 millions d’habitants. Les deux hommes se lient d’une amitié de raison.

En 2004, avec la bénédiction de Xi Jinping, Li Qiang devient le secrétaire-général [秘书长] du comité provincial du Zhejiang. Autrement dit, il gère les affaires courantes et politiques de Xi Jinping dans la province, tandis que ce dernier prépare son accession au pouvoir.

C’est tout naturellement que Xi Jinping le nommera gouverneur de la province du Zhejiang en 2012, juste après sa prise de pouvoir, puis dans le Jiangsu trois ans plus tard, et enfin à Shanghai. Comme la plupart des principales métropoles, Li Qiang sait que Shanghai est un marchepied pour accéder au politburo, au prochain congrès.

Et en effet, le 25 octobre 2017, Li Qiang, 58 ans, est élu membre du Bureau politique du Comité central du PCC (politburo). Il accède au centre névralgique du pouvoir chinois. Dans le même temps, il reste à la tête de la municipalité de Shanghai. Son CV n’en est pas moins impressionnant : il est le premier haut fonctionnaire à avoir été en charge des trois provinces et villes parmi les plus importantes économiquement. En l’occurrence: le Zhejiang, Jiangsu et Shanghai.

Le désastre COVID à Shanghai - aucune séquelle politique

Fin mars début avril 2022, une recrudescence de cas de COVID à Shanghai pousse Li Qiang à confiner la ville. Dans un premier temps, la municipalité se targuait d’une politique « scientifique », plus souple en matière de prévention économique que les autres métropoles. Confronté à une explosion des cas de COVID, Li Qiang applique la stratégie de la « gestion silencieuse » [静默管理] qui désigne concrètement un isolement strict de toute la population. L’armée a été dépêchée dans la ville pour faire appliquer la mesure. Et de surcroît, le rationnement et les livraisons pour les shanghaiens isolés ont été très mal gérés, si bien que nombre d’habitants ont souffert de disette.

Suivant une consigne de Xi Jinping, Li Qiang a alors lancé des slogans d’ordre militaire, considérant Shanghaï comme un lieu de « bataille » qu’il faut « remporter ». La colère des isolés et oubliés de Shanghaï s’est répandu sur internet et est devenu un sujet mondial. Le degré de mécontentement enregistré sur les réseaux sociaux durant cette période a atteint des records.

La violence du confinement forcé de la population de Shanghai et les dysfonctionnements de l’administration ont laissé de Li Qiang un mauvais souvenir dans la métropole…

Cette mauvaise gestion a signé la fin de la carrière politique de nombre de cadres, dans d’autres villes de Chine. Mais pas celle-ci. Li Qiang ressort indemne de cette incurie manifeste, et se retrouve promu au sein du comité permanent du Politburo au congrès d’Octobre 2022. L’amitié de Xi Jinping a sauvé l’ancien ouvrier de Rui’An.

Dans la tête de Li Qiang

Que pense Li Qiang ? Au niveau de sa doctrine politique, les choses sont assez simples. Li Qiang est un absolu fidèle de Xi Jinping.

  • Fidèle parmi les fidèles de Xi Jinping

L’écrasante majorité de ses interventions sont des invitations à bien garder la pensée et les consignes de Xi Jinping au cœur et travailler dur. Il s’intéresse au rôle des universités, qui devraient mieux contribuer au rayonnement du socialisme à la Chinoise (CPCNews, 2017). Il garde également à l’œil la nécessaire politisation de l’armée et son soutien à Xi (Quotidien Du Peuple, 2018). Il communie dans la vision de Xi Jinping d’ordre plus abstraite, demandant à donner aux communistes chinois un meilleur « foyer spirituel » [精神家园] (Quotidien du Peuple, 2017).

  • Un économiste plutôt libéral, qui aime les entrepreneurs.

C’est au niveau de la pensée économique que Li Qiang se distingue légèrement d’un militant formaté de Xi Jinping. Au cours du premier mandat de Xi Jinping, il multiplie les signes de soutien à l’économie privée.

Nous l’avons dit, Li Qiang a suivi des cours d’économie pendant sa carrière. Il est né au Zhejiang, une province particulièrement dynamique, ouverte sur le monde, vivant des échanges et riche. Sa pensée économique en ressort profondément teintée de libéralisme.

Lors de sa prise de poste de gouverneur du Zhejiang en 2013, il déclarait: « il est nécessaire d’être réaliste et pragmatique, de promouvoir pleinement la réforme et le développement du Zhejiang, (…) en libérant les forces productives, en encourageant l’innovation de toutes nos forces (…)« (Chinanews, 2013). Et en effet, Li Qiang croit dans l’entrepreneuriat et l’initiative privée.

Dans le Zhejiang Daily , Li Qiang écrit sans ambages : « le développement du Zhejiang doit s’appuyer étroitement sur les hommes d’affaires et industriels [浙商] du Zhejiang » (CPC, 2015); il consulte ces entrepreneurs et cherche à répercuter leurs opinions dans les propositions du Congrès. Il se lie notamment avec le milliardaire Guangqiu Lu (鲁冠球) ou encore Jack Ma (马云), le fondateur d’Alibaba. « Je crois qu’il existe déjà un nouveau Jack Ma qui est né au Zhejiang, dit Li Qiang lors d’une interview, et je crois que le succès du Zhejiang repose sur ce genre d’homme » (FinanceChine, 2014).

Li Qiang et Jack Ma ont tissé une relation proche, jusqu’à l’arrestation de ce dernier par Xi…

Son amour pour l’entrepreneuriat lui suscitera le lancement de nombreux programme d’aides pour les jeunes pousses prometteuses de la région, comme la campagne « des 100 entreprises clefs et des 1000 marques de renom, de 10 000 entreprises de haute technologie [日前,李强便曾提出,要实施百家龙头企业、千家品牌企业、万家高新技术企业培育工程] » (ChinaNews, 2014). D’ailleurs, le gouverneur du Zhejiang se réjouit haut et fort que sa région « compte un patron pour 14 habitants » (Xinhua, 2014).

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Cohérent, Li Qiang s’attelle rapidement à simplifier l’administration et à renforcer l’Etat de droit dans sa région, deux conditions sine qua non du succès de sa politique pro entrepreneurs (Legal Daily, 2013). « Efforçons nous de faire de la province du Zhejiang celle comptant le moins d’éléments d’approbations [du business], avec l’administration la plus rapide du pays« , écrit-il.

Pourquoi Li Qiang premier ministre?

Les commentateurs, spéculateurs et la presse internationale attendaient une personnalité consensuelle sur le plan économique pour assurer une reprise de l’économie, plombée par la politique zéro–COVID et les nombreux risques financiers que connaît le pays. Les noms de Wang Yang ou même Hu Chunhua faisait rêver les investisseurs.

Avec Li Qiang, Xi fait le choix d’un profil habitué à traiter avec le monde des affaires, mais dépourvu de pouvoir politique, puisque totalement redevable au secrétaire général pour son ascension. Li Qiang n’a pas non plus une personnalité assez marquée pour lui faire de l’ombre, et n’appartient à aucune faction que Xi ne domine pas déjà lui-même.

Occupant un poste de Premier ministre devenu largement symbolique sous Xi Jinping, Li Qiang doit donner l’image d’une Chine shanghaïenne, plus moderne et ouverte, tout en laissant les coudées franches à Xi Jinping pour continuer à mener sa propre politique.

Confirmation de sa nomination: mars 2022.

Par Noé HIRSCH, relecture par Pierre SEL

 

 

 

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