Une première depuis 1999, pour être exact. Selon les données officielles publiée ce 17 janvier 2023, les investissements dans l’immobiliers ont chuté de 10% en 2022.
[thb_title style= »style6″ title= »La confiance dans l’industrie immobilière est basse »][vc_empty_space height= »18px »]Les derniers scandales immobiliers que la Chine a connu n’ont pas arrangé la situation, et les feuilletons se poursuivent. Evergrande continue de défrayer la chronique: PwC vient d’annoncer son retrait de son poste d’analyste financier de l’entreprise, pour « divergence de vue » [17/01/2023]; Evergrande négocie des equity-swap avec ses créanciers étrangers dans le même temps, incapable de rembourser ses dettes depuis 2021 [17/01/2023]. Symbolique, le géant créé par Xu Jiayin refroidit les investissements dans le secteur immobilier, boudé par les consommateurs.
Or, l’immobilier est « le pilier de l’économie chinoise« , de l’aveu même de Liu He [刘鹤], le vice-Premier ministre de la Chine [22/12/2022], lors du China-EU business leaders and former senior officials’ dialogue. Selon lui, l’urbanisation rapide du pays donnera une respiration bienvenue au secteur, qui représente 28% de la croissance chinoise, et dont d’innombrables ouvriers chinois dépendent. Si bien que les provinces prennent, de manière quasi autonome, des mesures locales pour sauver ce qui peut encore l’être – comme le Henan ce mois-ci [07/01/2023]. Et même des villes bouillonnantes comme Shenzhen sont revenues aux niveaux de transactions immobilières d’il y a 18 ans ! [每日经济新闻].
Mais le gouvernement est fébrile. Ses « trois lignes rouges » publiées en août 2020, supposées freiner les dynamiques folles d’endettement des géants de l’industrie, a contribué à creuser la tombe de l’immobilier chinois. Couplé au ralentissement économique résultant de la crise épidémique, le moment était sans doute mal choisi. D’ailleurs, selon Bloomberg, les autorités prévoient un assouplissement de ces règles ou, a minima, prolonger la période de transition législative [07/01/2023].
[thb_title style= »style6″ title= »Le statut de propriétaire, une conception de la vie obsolète »][vc_empty_space height= »18px »]Depuis début janvier, le gouvernement a multiplié les déclarations enthousiastes à l’égard du marché immobilier et des annonces réglementaires supposées revitaliser ce secteur à la peine. Les chiffres, néanmoins, mitigent largement ces espoirs. En 2022, les ventes de terrains ont diminué de 272 milliards d’euros, passant de 700 à environ 400 milliards d’euros de valeur de transaction [STCN – 11/01/2023]. Ces transactions comptent parmi les premières sources de revenu des gouvernements locaux, des provinces, dont la dette abyssale menace largement la stabilité de l’économie chinoise. Les ventes de terrains représentent en effet plus de la moitié des revenus de la plupart des espaces urbains en Chine [Crane Real Estate Research Institute].
Dans le même temps, la population amorce un déclin démographique comme dans la plupart des pays asiatiques avoisinant. Les chiffres officiels concèdent un baisse de population de 850,000 en 2022 [Bureau national des statistiques], pour une population totale officiellement estimée à 1,41 milliards d’habitants, chiffre sans doute gonflé. Cette nouvelle tendance pourrait bien rebattre les cartes de l’immobilier, dont la croissance insolente reposait sur une bonne santé économique et une croissance démographique constante.
Sur les forums, les interrogations se multiplient. « Les jeunes devraient-ils acheter une maison ? » ; « Faut-il être un esclave toute sa vie pour posséder une maison ?« ; « Pensez-vous que je dois acheter une maison en 2023, et pourquoi ?« .
Selon Li Yang, un ancien promoteur immobilier reconverti dans les médias en ligne: « Aujourd’hui, l’immobilier est dans une période de ralentissement. Pour nos parents, acheter un bien immobilier conférait un sentiment de sécurité. Maintenant, pour la jeune génération, c’est l’inverse. Pourquoi s’enchaîner à un lieu, avec des dettes sur 30 ans, quand les revenus diminuent et que les emplois ne sont plus aussi stables qu’autrefois ?« .
Des communautés naissent, en refus du mode de vie sédentaire et prévisible des générations précédentes, à l’image de la « Digital Nomad Tribe » fondé par Jarod [数字游民部落]. En exergue, le refus de la sédentarité, le refus de la conventionnalité, et également un certain apolitisme.
Un nouveau paradoxe prend place. Pour éponger des années de dettes des gouvernements locaux, notamment lié à une mauvaise gestion et une corruption endémique, les jeunes sont appelé à acheter dans l’immobilier, le fameux « pilier » de l’économie chinoise. De l’autre, une jeunesse qui se désintéresse du statut de propriétaire. Incertitude économique, changement global des mentalités, désir d’indépendance, tout conspire à détourner les jeunes générations de rêve de l’acquisition immobilière. Ce hiatus pèse déjà sur la reprise économique chinoise, et risque de se creuser dans les années à venir.
Noé Hirsch