PARPCC #14 – La Chine, le monde et les données 13 décembre 2023 Panda, Alcool de Riz et PCC Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter. A l’heure où de nombreuses démocraties occidentales déconseillent, voire interdisent l’installation d’applications chinoises – notamment Tiktok et Wechat – sur les appareils d’agents de l’Etat, on voit que le stockage, la vente et le transfert de données en-dehors des frontières nationales sont devenus un sujet central à la coopération, et à la compétition, entre les grandes puissances. La Chine, le monde et les données Tout d’abord, il convient de rappeler que les données possèdent deux caractéristiques qui leurs sont propres : d’abord, leur usage est infini dans le temps (contrairement au pétrole ou aux terres rares par exemple qui sont consommables) ; ensuite elles sont non exclusives, à savoir qu’il est parfois difficile d’empêcher des individus ou institutions qui ne sont pas destinataires de ces données d’y avoir accès. En cela, les données sont un bien à part sur la scène internationale. L’auteur explique que la diversité de type de gouvernance des données personnelles dans le monde crée deux problèmes distincts pour la Chine dans ses relations extérieures : D’abord, la Chine rencontre des difficultés avec les autres Etats au sujet de l’impact que son mode de gouvernance des données a sur ceux qui travaillent avec elle. Par exemple, la loi chinoise de cybersécurité, appliquée depuis juillet 2017, oblige les entreprises opérant en Chine à stocker les données acquises sur le marché chinois sur des serveurs localisés en Chine. Cette même loi permet également à la Chine de demander à Tik Tok qui stocke ses données acquises aux Etats-Unis sur le sol américain, l’accès a ces données dans le cas où elle estimerait que sa sécurité nationale était menacée. Si cette loi augmente le contrôle que la Chine a sur le transfert des données sur son territoire, elle accroit aussi les risques auxquels sont confrontés les acteurs collaborant avec des acteurs chinois (de protection des données, etc.). Un problème lié est celui de la confiance entre les consommateurs et les entreprises qui prennent, utilisent et stockent les données. Pour ces dernières, c’est un vrai dilemme : elles travaillent dans le cadre légal fixé par l’Etat chinois, mais elles doivent en même temps être crédibles auprès du consommateur pour éviter qu’il aille voir ailleurs. Ce sujet est particulièrement important pour les entreprises chinoises comme Tik Tok ou Huawei dont les liens avec le Parti leur permet d’un côté d’avoir une position avantageuse sur le territoire national (financements, accès privilégié aux subventions), mais cette même proximité empêche leur développement sur les marchés étrangers. Elles doivent donc ménager la chèvre et le chou. Ce problème n’est pas spécifique aux entreprises dont le siège social est installé dans un régime autoritaire comme la Chine puisque les grandes entreprises de la tech comme Google, Facebook ou Apple ont souvent accédé aux demandes d’accès aux données des démocraties qui en faisaient la demande – contre l’intérêt de leurs consommateurs. Les entreprises chinoises sont toutefois tout particulièrement dans le viseur sur ce sujet dans leur exploitation des marchés occidentaux. Leur droit à y exister est souvent mis dans la balance. See Also PARPCC #23 – La Chine va-t-elle passer devant les Etats-Unis dans le domaine de l’IA ? Enfin, l’article de Liu Lizhi pose le problème plus général des indicateurs de puissance à l’ère où les données sont omniprésentes – et notamment de l’usage du PIB. En effet, il explique que même si Wechat facilite grandement la vie de ses utilisateurs, ces changements ne sont pas évaluables dans leur totalité par les indicateurs économiques habituels étant donné que le service fourni n’est pas payant pour le consommateur. Référence : Liu Lizhi (2021), « The Rise of Data Politics: Digital China and the World”, Studies in Comparative International Development, Vol.56, pp. 45-67.