PARPCC #17 – Quelles relations entre hommes et femmes en Chine ? 14 février 2024 Panda, Alcool de Riz et PCC Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter. Alors que des mouvements comme #metoo font bouger les lignes sur les relations hommes-femmes, il serait faux de penser que ces réflexions restent circonscrites aux sociétés occidentales. Wu et Dong montrent que la place des femmes est un objet très fortement politisé dans la Chine contemporaine, notamment car l’indépendance des femmes incarnerait les inégalités de classe. Quelles relations entre hommes et femmes en Chine ? Dans la Chine postsocialiste (après la mort de Mao, soit à partir de 1976), l’institution patriarchale s’est affirmée sur la base de trois piliers : 1) une politique de droit à la propriété privée défavorable aux femmes, surtout en cas de divorce 2) une politique familiale extrêmement restrictive, avec la politique de l’enfant unique 3) l’adoption de préceptes confucianistes favorisant la famille et instituant un rapport hiérarchique entre les sexes et entre générations, au détriment donc des jeunes femmes. A ces politiques d’Etat centrées sur la famille et donnant un rôle aux femmes beaucoup plus traditionnel, s’est opposé un autre mouvement parallèle : celui de l’arrivée massive des femmes chinoises dans le système scolaire et sur le marché du travail ; et ouvrant la voie à une possible émancipation. S’il existe une multitude de féminismes en Chine, Wu et Dong en mettent deux en avant dans le cyberespace chinois : le « féminisme entrepreneurial » et le « féminisme non-coopératif ». Le féminisme entrepreneurial incite les femmes à user de stratégies dès le plus jeune âge, mettant en avant leurs qualités « féminines » et « domestiques », pour faire un bon mariage et ainsi assurer leur sécurité économique. Ce type de féminisme échange la liberté sexuelle des femmes contre la sécurité matérielle. A l’opposé, le « féminisme non-coopératif » incite les femmes à devenir autonomes financièrement afin d’avoir accès à la liberté de choix, y compris sexuelle. See Also #PARPCC 21 – Remettre le PCC au centre : les « campagnes idéologiques » de Xi Les deux autrices soulignent un phénomène intéressant : quel que soient les voix féministes à l’œuvre en ligne, les attaques contre les féministes s’opposent au féminisme entrepreneurial. Dit autrement, les « anti » ignorent les nuances et attaquent via le même angle : le féminisme en Chine serait finalement un processus de confiscation de la sexualité féminine par des hommes issus de milieux privilégiés. Alors que dans la Chine « postsocialiste », le vocable de la classe sociale marxiste (班级) est remplacé par un terme plus neutre (阶层), la sexualité des femmes, et son rôle dans le marché marital, continue d’être débattue en termes d’inégalités et de classes sociales. Référence : Wu, Angela Xiao & Dong, Yige (2019), “What is made-in-China feminism(s)? Gender Discontent and Class Friction in Post-Socialist China”, Critical Asian Studies, Vol. 51(4), pp. 471-492.