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PARPCC #15 – Quel rôle pour les provinces dans la Chine centralisée de Xi Jinping ?

PARPCC #15 – Quel rôle pour les provinces dans la Chine centralisée de Xi Jinping ?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, la Chine n’a cessé de se centraliser. Pour s’assurer un maximum de contrôle, le président chinois a rapatrié un grand nombre de compétences sous sa coupe via les commissions centrales, mais aussi en s’arrogeant un droit de regard et d’action sur les prérogatives économiques, habituellement réservées aux premiers ministres. La campagne anti-corruption et le renforcement des contrôles idéologiques lui ont permis d’évincer ses concurrents tout en faisant régner la terreur parmi les gouvernements locaux. Avec cette centralisation du pouvoir, les provinces sont-elles devenues des coquilles vides ?

Pour Jaros et Tan la Chine reste un « pays de provinces ». Selon eux, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le rôle des provinces s’est même renforcé avec la concentration croissante des pouvoirs entre les mains de Xi Jinping. Si les volontés de Pékin se font indéniablement sentir, les provinces ont gardé un rôle fondamental dans la chaine de mise en œuvre des politiques décidées au niveau central grâce à leur pouvoir d’allocation des ressources.

Etant donnée la corruption importante des cadres au niveaux inférieurs du Parti et de l’Etat, les échelons locaux de gouvernement ont perdu une grande partie de leur autonomie. Dès la fin des années 1990, les provinces ont obtenu un droit de regard sur la fiscalité des localités chinoises. Avec Xi Jinping, elles sont décisionnaires en ce qui concerne l’attribution des terres, y compris au niveau infra-provincial. En d’autres termes, à mesure que le pouvoir des villes, villages et comtés chinois s’amenuise, l’échelon provincial, véritable courroie de transmission depuis et vers Pékin, se renforce.

En effet, les grands projets de développement décidés par Pékin sont le plus souvent mis en œuvre au niveau provincial. C’est le cas du plan de réforme industrielle « Made in China 2025 » ou des Nouvelles Routes de la Soie. Ce sont alors les provinces qui décident des localités et des secteurs d’activité qui vont bénéficier de subventions de l’Etat central, ce dernier estimant qu’elles sont les plus compétentes pour arbitrer. Ainsi, les gouvernements provinciaux ont eu tendance à favoriser les métropoles par rapport aux villes moyennes et villages, et a (sur)investir les secteurs qu’elles considèrent comme stratégiques – sans se soucier de ce que font les autres provinces. Cela ne va pas sans son lot de doublons.

En plus d’être des acteurs-clés dans les territoires chinois, les provinces « font » également, dans une certaine mesure, les politiques de Pékin. Les Nouvelles Routes de la Soie, projet de Xi Jinping, inscrites dans la Constitution, ont été inspirées de politiques menées initialement par les provinces comme celle du Yunnan. Cette province a ainsi développé dès le début des années 2000 une politique « extérieure » centrée autour du développement d’infrastructures avec les pays frontaliers. Ce n’est pas un cas isolé : l’intérêt des provinces pour une politique de connectivité est prégnant depuis longtemps déjà, comme en témoigne le fait que 21 d’entre elles (sur 31) avaient déjà développé leurs propres « plan » pour les Nouvelles Routes de la Soie, deux ans seulement après le premier discours de Xi Jinping à ce sujet.

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Loin d’avoir mis les provinces sur le banc de touche, la concentration des pouvoirs à Pékin a donc renforcé leur pouvoir vis-à-vis des autres échelons territoriaux. Elles ont même un rôle-clef dans la définition des Nouvelles Routes de la Soie, une composante majeure de la politique étrangère chinoise. On peut, à priori, toujours utiliser l’expression développée par Zheng Yongnian de « fédéralisme de facto ».

Référence : Jaros, Kyle A. ; Tan, Yeling (2020), « Provincial Power in a Centralizing China: The Politics of Domestic and International “development space” », The China Journal, vol. 83, pp.79-104

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