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PARPCC #7 : Existe-t-il un « Wagner chinois » ?

PARPCC #7 : Existe-t-il un « Wagner chinois » ?

Panda, Alcool de Riz et PCC

Panda, Alcool de Riz et PCC est une colonne de Camille Brugier, visant à introduire des articles scientifiques à une audience plus large. Ses publications sont à retrouver sur son fil Twitter.

Après l’épisode ou des mercenaires de Wagner ont marché sur Moscou avant de faire machine arrière, il semble pertinent de se demander si l’éventualité d’une armée privée qui se retournerait contre Pékin est probable. En somme, existe-t-il un « Wagner chinois » ?

Avec la Belt & Road initiative (2013), la Chine a un besoin croissant d’assurer la sécurité des activités de ses entreprises publiques et privées, notamment en Afrique, où ses activités sont nombreuses et les risques importants (émeutes, actes terroristes, piraterie, vols, etc.). Les entrepreneurs, diplomates, ouvriers et chinois, autrefois discrets, sont maintenant beaucoup plus visibles et donc visés, comme les Américains, Européens, Israéliens, etc.

Même si la Chine s’affirme de plus en plus comme un acteur de la sécurité au niveau international – avec l’établissement d’une base militaire à Djibouti par exemple – le business des sociétés de sécurité privées chinoises reste balbutiant, et l’Afrique offre un test géant pour voir si ses 5000 entreprises qui exercent quasi-exclusivement en Chine, sont capables de mener des opérations hors de ses frontières.

Sur le continent africain, les intérêts chinois jusqu’alors se sont appuyé sur des entreprises étrangères ou des milices locales armées, ou même en mode « Do It Yourself », en armant les employés eux-mêmes ce qui a conduit à des tragédies, comme la mort de mineurs illégaux dans une mine exploitée par une entreprise chinoise en Zambie. Les services proposés par les entreprises de sécurité privées chinoises restent « basiques » (la protection des biens commerciaux) et ne sont pas adaptés à des situations extrêmement complexes et volatiles, comme la Libye par exemple.

Par ailleurs, le business de la sécurité chinois est encore un peu « cheap » : la concurrence se fait sur les prix, et les clients chinois sont peu enclins à payer des premiums, alors que les clients étrangers eux veulent d’abord un service de qualité. Les entreprises pionnières sont celles assurant l’escorte et la protection des vaisseaux dans des zones à risque et la protection des VIP chinois contre les kidnappings. Ce développement est toutefois limité : on parle d’une poignée d’entreprises (sur 5000 !). A titre de comparaison, rien qu’en Afrique du Sud, il y a 2000 entreprises enregistrées juste pour le business de la protection rapprochée.

Le développement de ce secteur d’activité est difficile : le Parti ne souhaite pas rogner sur son monopole de la violence légitime : l’armement du personnel reste interdit par la loi chinoise et la dernière loi importante régulant ce secteur en Chine date de 1993, avec une visée interne et non internationale.

La Chine reste donc à ce jour sur un segment de marché différent des forces occidentales ou de la Russie : les entreprises de sécurité privées chinoises ne fournissent pas des services militaires aux gouvernements et restent donc plus dans le secteur des entreprises de sécurité privée – avec des fonctions de protection (souvent par du personnel non-armé), contrairement aux entreprises militaires privées comme Wagner qui proposent des services militaires aux gouvernements, de l’approvisionnement en armes, et qui s’engagent dans des combats.

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Bref, il n’y a pas aujourd’hui de « Wagner chinois ».

Par Camille Brugier

Référence:

Référence: Arduino, Alessandro (2020), “The footpring of Chinese private security companies in Africa”, China Africa Research Initiative, John Hopkins School of Advanced International Studies, Working paper n°35.

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