
Le 5 février, la Chine annonce son intention de bâtir une station au sol en Antarctique visant à soutenir son réseau satellitaire de surveillance des océans.
Des conflits géopolitiques en amont de la construction
Le déploiement d’un réseau satellitaire de surveillance des océans chinois suscite les craintes d’espionnage chez ses voisins. En 2020, le fournisseur suédois historique des stations au sol pour le vol et la transmission de données des engins spatiaux chinois, la Swedish Space Corporation (SSC), a interrompu sa collaboration en raison de « changements » géopolitiques. L’ingérence chinoise en Suède a précipité la fin des affaires.
Qu’à cela ne tienne, l’Aerospace Planning and Design Group Co., Ltd., une filiale de China Aerospace Science and Industry Corporation, [中国航天科工集团] prend le relai. Doté d’un capital de 6 millions d’euros, elle construira la station au sol à Zhongshan en Antarctique, une des deux bases que la Chine possède dans la région.
Il s’agit d’une autre étape importante la mise en œuvre active de la stratégie chinoise à long terme de 2035, à savoir: « élargir activement l’espace de développement économique maritime » [积极拓展海洋经济发展空间], établie lors du 14ème plan quinquennal. Pour accélérer la construction d’une puissance maritime, la Chine doit gérer l’aménagement global de la terre et de la mer et favoriser le développement de l’économie maritime.
A la manœuvre de cette opération, on retrouve le président du National Satellite Ocean Application Center, Lin Mingsen [林明森]. Ce dernier, chercheur de métier, promeut activement le développement de la puissance maritime chinoise. A ses yeux, le développement du réseau satellitaire chinois est indispensable pour être à la hauteur de l’ère moderne: celle d’une « gouvernance mondiale des océans » et de la construction d’une puissance maritime.
Au premières heures de la constitution d’une constellation de satellites d’observation maritime, Lin Mingsen a pu s’appuyer sur des coopérations internationales, dont la France, notamment dans le domaine des applications de télédétection par satellite. Pour le directeur du Centre, la Chine entre désormais dans une nouvelle ère de la surveillance maritime.

Pourquoi la station fait grincer les dents
Afin d’assurer une couverture 24 heures sur 24 des engins spatiaux et d’assurer une communication continue, les puissances spatiales construisent généralement des stations de mesure et de contrôle aérospatiales à l’étranger. Les États-Unis, la Russie et l’Europe ont établi des stations de mesure et de contrôle aérospatiales hors territoire, et la Chine ne fait pas exception.
Après l’ouverture d’une première station chinoise à l’étranger, en Patagonie (2016), cette nouvelle suscite des interrogations parmi les observateurs, qui craignent l’usage de ces outils à des fins d’espionnage par la Chine.

L’ancienne ministre des Affaires étrangères Argentine, Susana Malcorra, avait déclaré dans une interview que l’Argentine n’avait aucun contrôle physique sur les opérations de la station. Bien que des clauses limitent les opérations de la base « à des utilisations civiles uniquement », il n’y a aucun moyen de savoir si cette disposition est bien appliquée, selon Juan Uriburu, un avocat argentin qui a travaillé sur deux grandes coentreprises Argentine-Chine (Reuters).
« La station terrestre de Patagonie, acceptée en secret par un gouvernement corrompu et financièrement vulnérable il y a dix ans, est un autre exemple de transactions chinoises opaques et prédatrices qui sapent la souveraineté des pays hôtes », avait déclaré Garrett Marquis, porte-parole de la Sécurité nationale de la Maison Blanche.
Noé Hirsch